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Grace à des investissements massifs, TikTok séduit largement les marques

By Herve Dewintre

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Il y a quelques mois encore, Tiktok était considéré par le grand public comme une application mobile destinée exclusivement aux pré-adolescents. Tout a changé cette année. Tout d’abord parce que l’application a considérablement augmenté son audience en un temps record. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Développée à Beijing par ByteDance en 2017 pour être un pendant à l’échelle du globe de l’application Douyin (qui ne s’adresse qu’au marché chinois), l’application TikTok s’enorgueillit en juin 2018 d’avoir 150 millions d’utilisateurs actifs quotidiens pour 500 millions d’utilisateurs actifs mensuellement. En janvier 2020, l'application enregistre huit cents millions d'utilisateurs actifs par mois, chiffre qui se rapproche d'un milliard fin avril 2020. Concrètement, Tiktok égale Instagram qui avait atteint ce chiffre il y a deux ans.

Cette audience est plus vaste mais aussi plus diversifiée. Une audience qui ne contente plus de produire et de regarder des courtes vidéos amusantes accompagnées de musique pop. Il y a d’une part une audience plus mature qui a découvert, pendant le confinement notamment, une plateforme propice au divertissement, mais aussi d’autre part une génération nouvelle d’utilisateurs capables, via l’application, de s’intéresser à l’actualité ou à des sujets complexes. La récente utilisation de Tiktok par des adolescents et des jeunes adultes qui ont coordonné une tentative de sabotage d’un meeting électoral du président américain Donald Trump atteste l’utilisation diversifiée du réseau social.

Tout a également changé cette année parce que Tiktok - qui cherchait encore en 2019 un modèle commercial pertinent – a réussi à développer des services de plus en plus adaptés à la monétisation, devenant ainsi un passage incontournable dans la stratégie des marques comme l’avaient été Facebook puis Instagram les années précédentes. Cela s'est fait au prix d'investissements massifs. Le premier de ces investissements concerna l'achat par ByteDance de la plateforme chinoise de vidéos concurrente Musical.lu pour près d’un milliard de dollars afin de fusionner les deux applications (et leurs communautés respectives) sous le nom de TikTok.

Ce fut ensuite la mise en place par Tiktok d’un lobbying intensif aux Etats-Unis et en Europe, et le déploiement de méthodes énergiques (et de salaires alléchants) pour attirer les cadres emblématiques de Google, Amazon, Apple ou de Facebook (notamment Blake Chandlee, ancien directeur des partenariats mondiaux chez Facebook) dans ses rangs. Une stratégie couronnée par la nomination hautement stratégique de Kevin Mayer, alors directeur de la vidéo à la demande chez Disney au poste de directeur général américain et au poste de directeur des opérations de ByteDance. Ces investissements lourds n’avaient qu’une finalité : assurer l’édification d’un modèle commercial qui jusqu’à l’année dernière n’avait pas encore fait ses preuves.

Cinq formats publicitaire différents pour le marché français

En effet, si Douyin par exemple comporte un bouton d’achat et génère beaucoup de reventes par le commerce en ligne, ce n’est pas le cas de Tiktok qui après une phase de partenariats avec des enseignes de mode (notamment Uniqlo et Hollister) et des institutions de premier plan (notamment avec la Fédération de la Haute Couture et de la mode lors de la Fashion Week de Paris ou avec l’organisation anglaise Graduate Fashion Foundation - GFF ) a enfin décidé de se tourner vers la publicité pour ses différents marchés.

Pour le marché français par exemple, Tiktok a initié fin 2019 plusieurs formats à destination des annonceurs qui sont invités à s’emparer de la particularité du réseau. Cinq formats publicitaires différents, chacun avec sa particularité et son impact choisi : le hastag challenge qui permet aux annonceurs de proposer un défi aux utilisateurs autour de la marque, un brand take over qui permet à l’annonceur de placer une vidéo à l’ouverture de l’application, un in feed qui consiste à insérer une vidéo dans le flux de recommandation de l’utilisateur, un Top View qui est une offre premium et enfin une offre « Effets sponsorisés » qui génére un filtre et des effets spéciaux sur mesure. Plus récemment encore, en juillet dernier, la plateforme a annoncé un programme de rémunération des créateurs de contenu dénommé « *Creator Fund »*, avec un budget prévu de 200 millions de dollars. Le programme serait réservé à des créateurs majeurs ayant un nombre minimum d'abonnés et de vidéos publiées. Ce mécanisme de sélection viserait notamment à éviter de rémunérer des créateurs controversés, comme cela a été le cas pour YouTube, limitant ainsi les risques de mauvaise publicité pour la plateforme.

Ces investissements semblent porter largement leurs fruits. Les poids lourds de la mode, du luxe ou de la grande diffusion, un temps indécis, tapent désormais à la porte de Tiktok. Les exemples sont innombrables : Calvin Klein et Ralph Lauren ont dès 2018 manifesté leur intention de profiter de l’engouement pour le reseau social des adolescents. Tory Burch, Burberry, Balmain, Jacquemus, Prada et Dolce & Gabbana ont suivie. Désormais les influenceurs qui truffent les premiers rangs des défilés proviennent de l’écurie Tiktok. Hedi Slimane chez Celine, pour sa derniere collection révélée le 29 juillet, ciblait ouvertement les utilisateurs de la plateforme. Intitulée « The Dancing Kid » la collection est née après la rencontre du directeur artistique avec Noen Eubanks, star de l’application avec 10 millions de followers.

Les enseignes de massmarket aussi font les yeux doux à l’application. Dimanche 2 aout, la marque Boohoo annonçait la création de sa première chanson Tiktok « it’s from boohoo baby » créée en collaboration avec la danseuse Kelianne Stankus qui est suivie par 6,3 millions d’utilisateurs sur la plateforme, le tout accompagné d’un défi #itsfromboohoo. Les autres réseaux sociaux ne s’y sont pas trompés et mettent en place des fonctionnalités proches de la plateforme chinoise pour endiguer son succès : ainsi, Facebook a récemment émis des offres de partenariat rémunéré à des influenceurs de Tiktok pour qu’ils migrent sur la nouvelle fonctionnalité Reels d’Instagram où ils sont appelés à publier des contenus en exclusivité.

Un nouvel eldorado ? Oui, mais un eldorado fragile. Pointée du doigt pour ses failles de sécurité, suspectée d’appliquer à un public international les méthodes de censure du gouvernement choisir, accusée de façonner une compréhension tendancieuse de l’actualité et de jouer un rôle dans la guerre informationnelle mondiale, Tiktok est dans le viseur des Etats-Unis : Donald Trump a ouvertement déclaré la guerre à l’application. De plus, les appétits de Microsoft, qui souhaite racheter les activités américaines de Tiktok à l’automne prochain, pourrait provoquer un démantèlement du réseau et aboutir à la création d’une nouvelle application au périmètre plus restreint : les utilisateurs français par exemple, n’auraient plus accès aux comptes de leurs tiktokeurs américains préférés, ni à leurs contenus. De quoi refroidir les annonceurs en quête de partenariats globaux.

Crédit photo : Celine

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