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Ce que la mode de seconde main offre aux marques de luxe et vice versa

By Julia Garel

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Sac Miu Miu. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Le 14 avril dernier, la plateforme de revente Vestiaire Collective dévoilait son baromètre des marques de mode les plus en vue sur le marché de l’occasion. Dans la catégorie sacs de luxe, Chanel arrive en tête du classement avec le plus grand nombre de consultations de produits par utilisateur, suivi par Louis Vuitton et Hermès. Mais que gagnent réellement les maisons de luxe à briller sur le marché de la revente ?

Image d'investissement

La maroquinerie siglée Gucci, positionnée en 4e position du classement de Vestiaire Collective, rencontre un succès certain sur le marché de la seconde main. Ce constat donne une idée du degré de désirabilité toujours élevé de la marque, malgré la baisse des ventes de ses produits neufs au cours des derniers trimestres. Et cette popularité s'avère cruciale pour l’attrait à long terme de ses pièces iconiques en première main.

En effet, si les articles de luxe conservent une valeur élevée sur le marché de l'occasion, le consommateur aura alors tendance à les percevoir comme des investissements plutôt que comme de simples dépenses. Cela peut inciter de nouveaux clients à acheter en neuf, sachant qu'ils pourront potentiellement récupérer une partie de leur argent plus tard - voire engranger des bénéfices s'il s'agit de revendre un sac Birkin de la maison Hermès.

Cette logique liant les produits neufs à ceux de la seconde main concerne, pour l'instant, essentiellement les classiques des marques de luxe. Cela n'est d'ailleurs pas étonnant de lire dans le rapport financier de 2024 du groupe Kering (propriétaire de Gucci) que les ventes de maroquinerie de la griffe avaient notamment été stimulées par le succès de pièces emblématiques comme le Jackie, dont le nom apparaît également dans le rapport de Vestiaire Collective comme l'un des favoris sur sa plateforme de revente.

L'iconique sac Jackie de Gucci. Image de streetstyle 2025. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Le prêt-à-porter des grandes maisons de luxe n'est pas en reste. En janvier 2025, la maison de ventes aux enchères Maurice Auction a marqué l’histoire avec la vente exceptionnelle d’une collection Martin Margiela pour un montant record (en France) de 1 889 000 euros. Preuve que l’habillement de luxe peut lui aussi devenir un investissement, bien que les articles en cuir tels que les sacs à main demeurent la catégorie la plus populaire pour la seconde main.

Pour le prêt-à-porter, les maisons de ventes aux enchères jouent un rôle majeur dans la valorisation des pièces. Alors que la maroquinerie semble pouvoir se passer aisément de ce canal de ventes pour gagner en valeur aux yeux des consommateurs, l’habillement, lui, a davantage besoin du format de la vente aux enchères pour être expertisé par des professionnels et ainsi validé en tant que « placement » sérieux par l’acheteur, lequel sera souvent davantage un collectionneur ou un musée qu’un consommateur.

Aujourd’hui, l’image d’investissement associée au prêt-à-porter de luxe reste encore limitée. Néanmoins, on notera que les ventes aux enchères de pièces issues des grandes maisons de couture bénéficient souvent d’une belle couverture médiatique et renforcent ainsi le prestige de la marque sur le marché du neuf en lui offrant une image patrimoniale. Les griffes se sont d’ailleurs saisies du sujet depuis longtemps et collaborent régulièrement avec les grandes maisons de ventes comme Sotheby's.

Pièces en vente sur la plateforme de ventes aux enchères Penelope's. Credits: Penelope's auction.

Le marché de l'occasion ne vampirise pas celui du neuf

Conscientes d'être désormais approchées par le consommateur comme un moyen de placer son argent, les marques de mode appuient plus que jamais leur storytelling sur les origines historiques et l'artisanat. Deux arguments cruciaux qui permettent d’influencer positivement la valeur de leurs produits en seconde main, tout en démontrant que la qualité est toujours présente dans les collections actuelles et ne concerne pas que les anciens modèles. Car il ne s'agirait pas de laisser le consommateur se détourner du neuf pour lui préférer l'ancien, bien que cette crainte, celle d'un marché de l'occasion qui vampirise celui du neuf, soit surestimée.

Des études montrent qu'une part significative des acheteurs de produits de luxe d'occasion est constituée des consommateurs qui n'auraient pas forcément acheté ces marques au prix du neuf. Selon une étude du Boston Consulting Group, 71% des acheteurs de seconde main achètent des marques qu'ils ne pourraient pas s'offrir en première main. Cela démontre que le marché de l'occasion élargit la base de consommateurs pour les marques de luxe plutôt que de détourner les acheteurs du neuf.

Fidélisation et nouveaux clients

Outre l’influence sur l’image de la marque, la seconde main peut aussi exercer un impact direct sur les ventes des articles neufs grâce à des programmes de reprise initiés par certaines griffes.

Alors que les enseignes premiums incluent généralement une catégorie de seconde main directement sur leur e-shop, plus rares sont les marques de luxe à faire de même. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne jouent pas un rôle actif sur le marché de la revente. Plusieurs d’entre elles ont noué des partenariats avec des plateformes spécialisées. Ces collaborations leur permettent plusieurs choses : elles peuvent parfois bénéficier de manière directe des montants générés par la revente de leurs produits, de fidéliser leurs clients, d'en acquérir des nouveaux, mais surtout de reprendre un contrôle relatif sur l’aval de la chaîne.

Depuis longtemps, les remontées d’informations de la part des boutiques et e-retailers sont de première importance pour les marques et géants du luxe tels que Kering, Richemont ou LVMH. Or, ces informations se perdent sur le marché de la seconde main. Plutôt que de laisser place à l'incertitude, plusieurs marques ont donc repris la main sur l'aval de la chaîne que représente la revente.

Gucci a par exemple créé un programme de reprise avec Vestiaire Collective qui propose aux détenteurs d’un sac signé par la marque florentine de faire évaluer et reprendre leurs pièces dans les boutiques agréées. En échange, les nouveaux clients reçoivent un crédit à utiliser dans certains points de vente de la griffe. La maison Chloé propose également un système similaire avec la même société de revente.

« Nous comptons aujourd’hui plus d’une douzaine de partenaires, la plupart publics, d’autres encore en pilote », nous explique par mail Vestiaire Collective lorsque nous l'interrogeons sur son service « Brand Approved » lancé en 2021.

Le fonctionnement du service suit le processus suivant : via un deposit form simplifié, les clients sont invités à soumettre leurs pièces, puis la plateforme leur soumet une offre de rachat sur-mesure en moins de 48h, ensuite, une fois arrivée à l’entrepôt de Vestiaire Collective, la marque partenaire ayant donné accès au service est notifiée et attribue un Bon au vendeur. Vestiaire Collective précise que le nombre de ses partenaires est en constante augmentation depuis l’ouverture du service.

De son côté, Chanel, l’une des marques de luxe les plus populaires sur le marché de l'occasion, a aussi manifesté son intérêt pour reprendre la main sur le cycle de vie de ses produits vendus. Selon le média Glitz, la maison française fait appel depuis plus de cinq ans à des poids lourds de la seconde main de luxe pour recueillir le maximum d'informations sur le potentiel de ce segment : prix de revente, modèles particulièrement recherchés, etc.

Une relation client sans limite

Bien que les marques de luxe se saisissent du marché de la seconde main via des partenariats avec des sociétés expertes, la vie des produits après leur vente initiale pourrait encore leur échapper si elles ne décidaient pas d'intégrer des puces NFC ou RFID à leurs produits. Ces technologies permettent, entre autres choses, de savoir si l'article est remis en circulation sur le marché de la seconde main, mais ce n'est pas tout.

L’autre avantage majeur est que la puce NFC ou RFID peut créer une connexion directe entre la marque et le détenteur du produit, même s’il l’a acheté d’occasion. Une fois scannée, la griffe peut communiquer du contenu personnalisé comme des conseils d’entretien, offrir des services exclusifs (entretien, authentification gratuite) et même encourager à revendre sur une plateforme partenaire.

La combinaison de la seconde main et des technologies comme les puces électroniques permet aux marques de luxe d’étendre leur relation client bien au-delà des frontières habituelles. Un sac Chanel vendu à Paris peut se retrouver à Lagos ou à Séoul quelques mois plus tard. Avec une puce NFC ou RFID, la maison de luxe est en capacité d'identifier où le produit circule même sans y être présente physiquement et peut établir une première connexion avec un acheteur dans une région non couverte. La relation client devient quasiment sans limite.

Les chiffres de la seconde main
  • Le marché mondial de l'habillement de seconde main devrait atteindre 367 milliards de dollars d'ici 2029, soit une croissance 2,7 fois plus rapide que le marché mondial de l'habillement dans son ensemble. (ThredUp)
  • En 2023, le marché de la seconde main (hors auto) a atteint un chiffre d’affaires de 14 milliards d'euros en France, dont 6 milliards pour le prêt-à-porter. (Xerfi).
  • En 2024, le marché mondial de l'occasion a progressé de 15 % dans le monde (ThredUp). Cette même année, le marché des produits de luxe d'occasion a atteint un montant estimé à 48 milliards d'euros (Bain & Company).
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