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Comment l'Eco-score textile réoriente la stratégie des marques de mode : une analyse avec Carbonfact

Le label, basé sur la méthodologie Ecobalyse, force les marques à repenser leur modèle du sourcing à la donnée. Pour Laurent Vandepaer (Carbonfact), l'Eco-score n'est pas une menace, mais un avantage concurrentiel pour les acteurs proactifs.

Face à la pression réglementaire croissante et aux exigences de transparence des consommateurs, le secteur de la mode est à l'aube d'une transformation majeure. L'Eco-score pour les textiles, basé sur la méthodologie française Ecobalyse, s'apprête à devenir bien plus qu'une simple étiquette environnementale. Selon Laurent Vandepaer, Docteur en Analyse du Cycle de Vie et Head of Science chez Carbonfact, cette évaluation du cycle de vie des produits est un outil stratégique qui force les marques à repenser leur modèle, du sourcing à la gestion des données.

L'enjeu se profile déjà : celles qui s'y préparent en feront un avantage concurrentiel, à l'image du Nutri-Score dans l'industrie agroalimentaire. « Nous voyons qu'il est probable que certaines marques recherchent les scores les plus bas comme moyen de se différencier de la concurrence », souligne l'expert.

L’éco-score, un moteur de transformation

L’éco-score ne se contente pas de mesurer, il oriente. En amont, il pousse les marques à revoir leurs choix de matériaux et de procédés.

Sourcing : priorité au recyclé et au bio

La méthode Ecobalyse valorise clairement les matières à faible impact. « En termes de matériaux, la méthode française favorise le recyclé et l’organique, alors que les synthétiques vierges sont généralement pénalisés », explique Laurent Vandepaer.

Selon les analyses de cycle de vie disponibles, les matières recyclées affichent souvent des impacts carbone nettement inférieurs à ceux de leurs équivalents vierges – dans certains cas, de plusieurs dizaines de pour cent selon la fibre. Ces tendances, soulignées par des organisations comme l’ADEME, Textile Exchange et d'autres études sectorielles, confirment les avantages environnementaux des matières recyclées. La plupart des matières naturelles, comme le lin ou le chanvre, bénéficient également d’une meilleure évaluation. La plupart des matières naturelles, comme le lin ou le chanvre, bénéficient également d’une meilleure évaluation.

Un exemple illustre cette logique : la laine française. Alors que près de 80 % de la laine produite en France est exportée ou gaspillée, Ecobalyse lui attribue un impact réduit lorsqu’elle est utilisée localement. Objectif : relancer une filière aujourd’hui marginale mais à fort potentiel.

Production et géographie : le carbone dans le viseur

Si les procédés de fabrication laissent peu de latitude, l’éco-score introduit des distinctions fortes. « Ecobalyse introduit une différenciation par pays, pénalisant les régions avec des réseaux électriques carbonés et l’utilisation du fret aérien », souligne Laurent Vandepaer.

Deux facteurs sont déterminants :

  • Le Mix énergétique : Produire dans un pays dont l’électricité repose majoritairement sur le charbon – comme la Chine (plus de 60 %) – plombe directement le score. À l’inverse, une production en France, où l’électricité est à 90 % décarbonée, est bien mieux valorisée.
  • Le Transport : L’avion est le grand perdant. Un fret aérien émet en moyenne 40 à 50 fois plus de CO₂ que le maritime. Les marques ont donc tout intérêt à privilégier rail et bateau pour améliorer leur score.

En résumé, l’Eco-score encourage une double dynamique : réduire l'empreinte carbone et privilégier la production locale. Reste à pouvoir le prouver. Et c’est là que se dresse le défi majeur : la donnée. Car pour obtenir un score fiable, les marques doivent plonger dans leurs systèmes et leurs bases de données.

Intégrer l'impact : la bataille des données et des systèmes

Pour les entreprises, la mise en place de l'Eco-score est avant tout un défi de gestion des données. C'est le prix à payer pour sortir des hypothèses par défaut et obtenir un score réellement représentatif.

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Le piège des hypothèses par défaut

La loi AGEC a déjà rendu obligatoires la collecte de six paramètres essentiels (catégorie, masse, nature et pourcentage des matières, et origine des trois étapes clés : tissage/tricotage, ennoblissement, confection). Les marques conformes à la loi disposent donc de cette base de données. « Pour les données obligatoires, il existe déjà une obligation légale en France de les collecter (loi AGEC) ; elles sont généralement stockées dans les ERP », confirme le Head of Science.

Cependant, se limiter à ces données est un piège. Pour tous les paramètres facultatifs (part de fret aérien, origine des matières premières, offre de réparation, etc.), la méthodologie Ecobalyse appliquera par défaut les hypothèses les plus conservatrices, ce qui entraînera des scores défavorables : « Se fier uniquement à ces données obligatoires conduit à des scores défavorables. Par exemple, le système supposera 100 % de fret aérien a été utilisé comme méthode de transport. »

L'équation du temps : audit et consolidation

Pour une entreprise de taille intermédiaire (ETI), l'établissement d'un système fiable de suivi de l'empreinte carbone et de l'Eco-Score prend généralement quelques mois. La plus grande part du travail ne réside pas dans le calcul lui-même, mais dans l'étape préalable : le nettoyage et la consolidation des données fragmentées. Une approche structurée suit trois phases : l'Audit des jeux de données existants, le Build pour la mise en ligne, et le Refine pour l'amélioration continue de la précision.

L'investissement côté entreprise est minimal en ressources humaines : un point de contact principal suffit pour la coordination et l'accès aux données. Le reste du travail (nettoyage, normalisation, calcul) est pris en charge par des plateformes externes. « Notre logiciel basé sur l'IA et nos data scientists gèrent la charge de travail la plus lourde, donc les marques nous envoient simplement leurs fichiers non structurés et nous nous occupons du nettoyage et de la normalisation. » Ce travail de fond sur la donnée constitue l’ossature technique de l’Eco-score. Mais au-delà des chiffres, la méthodologie française se distingue par un choix fort : intégrer la dimension émotionnelle et culturelle de la mode.

Durabilité et obsolescence : L'équation anti-fast fashion

Là où l'Eco-Score français se distingue le plus des autres évaluations, c'est dans l'intégration de paramètres qui adressent la durabilité émotionnelle et l'obsolescence.

Les pratiques sanctionnées

Comme l'explique Laurent Vandepaer, « L'Eco-Score intègre des paramètres qui abordent la durabilité émotionnelle. Par exemple, il pénalise les pratiques de fast-fashion telles qu'une offre de produits excessivement large. » Le système introduit également des pénalités sur la réparabilité en factorisant le rapport entre le coût de réparation et le prix de vente : si la réparation est aussi coûteuse que l'achat, le score suppose une faible incitation pour le consommateur à prolonger la vie du vêtement.

La décarbonation dans l'ADN

Cette approche réglementaire renforce une nette dichotomie observée sur le marché. D’un côté, les marques réactives (souvent fast-fashion) sont principalement poussées à l'action par les exigences réglementaires. Leurs efforts se concentrent sur le respect des obligations minimales et le reporting.

À l'inverse, les DNVB et les marques Premium sont proactives. Pour elles, la durabilité est un élément central de leur identité et de leur différenciation sur le marché. Ces entreprises, avec un engagement clair de la direction (C-suite), sont souvent plus avancées dans l'analyse des données, transformant la performance environnementale en un avantage commercial durable et un facteur clé de croissance.

Prochaines étapes : l'effet boule de neige européen

Si l'Eco-Score n'est aujourd'hui obligatoire que sous certaines conditions, la pression du marché et l'échéance réglementaire vont créer un « effet boule de neige », comme l'anticipe Laurent Vandepaer. « À terme, les produits sans score environnemental pourraient être moins considérés par les consommateurs, même les produits ayant la moins bonne note. »

Mais quelles sont ces conditions ? Si votre site web français affiche déjà un indicateur environnemental isolé (par exemple, une empreinte carbone sur les pages produit), vous êtes tenu d'afficher également l'étiquette officielle de l'Eco-Score. En d'autres termes, l'affichage de l'Eco-Score devient obligatoire dès qu'un autre score environnemental autonome est présenté, explique le scientifique.

Anticiper pour éviter le risque de réputation

L'échéance la plus cruciale est octobre 2026. À partir de cette date, des tiers pourront calculer et publier l'Eco-Score d'un produit si la marque ne l'a pas fait elle-même. Ces tiers n'ayant pas accès aux données primaires de l'entreprise, ils devront se fier aux hypothèses conservatrices d'Ecobalyse. Le risque pour la marque est de voir un score défavorable affiché sans son contrôle.

Une donnée pérenne pour l'Europe

L'investissement dans la donnée pour l'Eco-Score n'est pas un double travail. La méthodologie française est basée sur les travaux européens PEFCR (Product Environmental Footprint Category Rules). « La plupart des données collectées pour l'Eco-Score français peuvent être exploitées dans le cadre du PEFCR », assure Laurent Vandepaer. Collecter les données pour Ecobalyse permet de les réutiliser pour d'autres cadres réglementaires européens imminents, tels que la CSRD ou le DPP (Digital Product Passport).

L'Eco-Score n'est pas un aboutissement, mais une étape décisive. Il oblige les entreprises à passer du statut de simple observateur à celui d'acteur de la décarbonation. Dans la mode, l'investissement dans la donnée est la meilleure assurance pour l'avenir.

Pour mieux maîtriser votre impact et transformer l'enjeu réglementaire en avantage stratégique, la première étape est de vérifier la performance de vos produits. Calculez votre Eco-Score textile et comparez vos résultats aux benchmarks du marché : Benchmark your Textile Eco-score. C’est la première mesure concrète pour anticiper la réglementation et orienter vos décisions stratégiques.


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