Conservatoire de la mode vintage : un plan pour sauver les archives du prêt-à-porter français
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C’est un lieu encore quasi secret mais qui ne le restera sans doute pas longtemps. Le Conservatoire de la mode vintage vient d’ouvrir à Voiron, près de Grenoble, au sein du Centre des cultures du monde. Cet espace de préservation, de promotion et d’inspiration vise à valoriser un prêt-à-porter français perdu de vue depuis plusieurs années. Au programme : un vaste travail d'archivage et de formations.
« Le Conservatoire de la mode vintage rassemble 600 pièces produites par des marques de mode françaises aujourd’hui disparues ou oubliées et qui, pourtant, avoisinait autrefois les corners des grandes marques comme Yves Saint Laurent dans les grands magasins », raconte à FashionUnited Tinka Kemptner, sa fondatrice.
150 marques sont représentées. On retrouve par exemple les lainages Korrigan, une marque disparue au début des années 1990 et qui a fourni la majorité des nouvelles « boutiques de couturiers » apparu dans les années 1950 ; mais aussi les robes aux motifs psychédéliques de Paul Mausner (entreprise fermée en 2009) ; ou encore des pièces de Christian Aujard (marque disparue en 1990) et des jeans signés Mac Keen, enterprise chez qui a travaillé le célèbre styliste Christian Audigier. Tinka Kemptner liste ces noms et raconte leur histoire dans son livre Chinez votre garde-robe (éditions Eyrolles).
Lancé en juin 2024, le Conservatoire de la mode vintage est auto-financé et soutenu par l’incubateur d'entreprises sociales Ronalpia. Pour le moment, le lieu est ouvert uniquement sur rendez-vous mais son panel d’activités le mettra bientôt en contact avec un large public, notamment par le biais de son volet Formation.
Former pour mieux trier
En 2022, la France comptait 269 ressourceries et recycleries membres du Réseau National des Ressourceries et Recycleries. Tinka Kemptner compte s’adresser au personnel de ces centres de tri en leur proposant une formation qui leur permette de reconnaître les pièces de valeurs.
« Il y a, dans toute la France, des centaines de ressourceries, explique la fondatrice. Des lieux où transitent chaque jour des pépites innommables qui atterrissent à la poubelle parce que les gens ne sont pas formés pour les trier. Le conservatoire veut aller à la source pour sauver, in extremis, ces pépites. »
La mission du conservatoire apparaît plus pertinente que jamais alors que la France doit limiter l’exportation de ses textiles usagés. En effet, en 2024, selon la la Fédération professionnelle des entreprises du Recyclage, du Réemploi et de l'Économie circulaire, des restrictions croissantes à l’export de textiles usagés ont été annoncées ou demandées par les pouvoirs publics au niveau français ou européen, ainsi que dans les médias par le grand public et certains acteurs économiques.
La valorisation des pièces d’occasion est aujourd’hui un sujet central pour le marché de la mode de seconde main en France, dont le montant, rien que pour le prêt-à-porter, a atteint 6 milliards en 2023, selon les estimations de l'agence d'intelligence stratégique Xerfi.
Valoriste, un « métier du futur »
« Une formation de valoriste ». C’est ainsi que l’appelle Tinka Kemptner pour qui ce poste représente désormais « un métier du futur » car « savoir capter ces beaux textiles est inestimable ». Elle précise : « Un valoriste, c’est quelqu’un qui sait reconnaître, trier le grain de l'ivraie, car aujourd’hui, sur une table de trie, il y a 99 % de fast fashion. »
Dans le secteur du luxe, la profession d’expert en authentification a récemment gagné en visibilité et en attractivité en raison de son exposition sur les réseaux sociaux par les entreprises spécialisées en seconde main comme Vestiaire Collective (lire notre article sur le sujet). Il n’en va pas de même pour le poste occupé par le personnel employé dans les ressourceries ou centres de tri – des personnes qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi et qui sont généralement embauchées dans le cadre de Contrats à Durée Déterminée d’Insertion. Mais cela pourrait changer.
Des formations spécialisées leur sont dédiées et des certifications encadrent ces métiers, notamment celui d’Agent valoriste des biens de consommation courante et celui de technicien valoriste du réemploi. Si les articles textiles qu’ils traitent aujourd’hui ne sont pas qualifiés comme relevant du luxe, certaines de ces pièces comme l’a expliqué Tinka, se révèlent tout aussi qualitatives que beaucoup d’articles haut de gamme actuels. Être en mesure de pouvoir les repérer est désormais un précieux savoir à acquérir.