Dernier rapport Kantar : l'IA, le retail media et la « treatonomics » redessineront la mode en 2026
À l’aube de 2026, la mode entre dans un nouveau cycle de stratégie. Le rapport Kantar Marketing Trends 2026 en dresse les contours : montée en puissance des agents d’IA, transformation structurelle du retail media, révolution de la créativité, fragmentation culturelle, avènement des micro-communautés. Autant de forces qui transforment profondément la manière dont les marques émergent, se racontent — et surtout, gagnent en désirabilité.
Pour un secteur mode déjà bousculé par le ralentissement du wholesale, la saturation du digital payant et l’explosion du social commerce, ces tendances ne sont pas de simples signaux faibles : elles redessinent les règles de la compétitivité.
L’IA conversationnelle devient un prescripteur de style
Le premier bouleversement est sans appel. Les assistants d’IA se déploient dans le parcours d’achat. Selon Kantar, 24 % des utilisateurs d’IA s’appuient déjà sur un assistant pour leurs choix de produits. Cette délégation d’achat va transformer l’industrie plus vite qu’elle ne le pense.
Car la question n’est plus « une marque séduit-elle un consommateur ? » Elle devient « une marque est-elle suffisamment lisible pour être recommandée par un agent d’IA ? »
Les fiches produits mal renseignées, les guides de tailles approximatifs ou l’absence de transparence deviennent des handicaps. À l’inverse, la qualité de la donnée — matière, coupe, durabilité, prix dynamique — devient une clé de référencement algorithmique. Un enjeu vital pour les acteurs européens, souvent riches en storytelling, mais moins disciplinés sur la structuration de leur data.
L'algorithmic fashion : être visible, ou perdre sa lisibilité
Kantar relève que 74 % des utilisateurs d’IA recherchent activement des recommandations génératives. Cela accentue un phénomène nouveau : l’algorithme devient un filtre entre la marque et son client.
Concrètement, si un modèle ne « voit » pas une marque — parce qu’elle n’alimente pas correctement les moteurs —, elle cesse purement de figurer dans les choix proposés. À l’inverse, les marques capables de nourrir les IA en informations fiables voient leur visibilité grimper. Pour le textile, l’enjeu porte autant sur la précision des données que sur la différenciation : comment ne pas apparaître comme un jean de plus, une robe de plus, un sneaker de plus dans un océan de produits génériques générés par l’IA ?
Autre bascule majeure : le passage d’une créativité intuitive à une créativité mesurée. Les solutions analysées par Kantar permettent désormais de prédire l’efficacité d’un contenu en quinze minutes, en mesurant son potentiel d’attention, d’émotion, d’attribution et d’intention d’achat. Dans un secteur mode où la cadence de production de contenus s’est envolée, cette capacité réduit drastiquement le risque créatif.
La « treatonomics » et la nouvelle taxe de visibilité
Le rapport Kantar confirme une tendance déjà perceptible en retail : la montée en puissance des « petits plaisirs », moteurs d’achat émotionnels. 36 % des consommateurs se disent prêts à s’endetter légèrement pour se faire plaisir. Dans la mode, ce phénomène se traduit par l’essor des capsules limitées, des accessoires premium, des petites pièces « luxury feel » mais accessibles.
Cette treatonomics répond à un contexte : inflation persistante, budgets sous tension… et désir grandissant de micro-plaisirs compensatoires. Pour les marques, c’est un levier de croissance à actionner. L’achat impulsif ne disparaît pas, il se reconfigure autour d’objets à forte valeur émotionnelle, immédiatement gratifiants, parfaitement calibrés pour TikTok.
Parallèlement, la croissance spectaculaire des Retail Media Networks (RMN) est un autre point clé. Kantar note que ces dispositifs offrent 1,8 fois plus de performance que la publicité digitale classique. Le secteur mode sera l’un des premiers concernés. Les plateformes de distribution comme Zalando, La Redoute ou Amazon deviennent des environnements publicitaires à part entière. La frontière entre distribution et média s’efface, et l’enjeu pour les marques sera d'arbitrer entre performance immédiate et dépendance croissante à cette nouvelle taxe de visibilité.
Créateurs, micro-communautés et fragmentation culturelle
Selon Kantar, 61 % des marketeurs prévoient d’augmenter leurs budgets créateurs en 2026, mais seuls 27 % des contenus renforcent réellement l’image de marque. Une statistique qui résume la transition en cours : la collaboration opportuniste est morte.
Dans la mode, cela signifie construire des relations longues avec des créateurs qui partagent l’ADN de la marque, et accepter que la narration ne soit pas totalement contrôlée. L’investissement se déplace vers des communautés plus petites mais plus engagées (Discord sneakers, forums denim, niches vintage). Le rapport souligne que ces micro-communautés génèrent 40 % de confiance équivalente à un ami, un chiffre rare dans un marché saturé de messages.
L’industrie doit choisir : être utile, lisible, pertinente… ou être ignorée
Toutes les tendances convergent vers un même point : 2026 ne sera pas une année de transition mais une année de sélection.
Les marques capables de structurer leur data, de parler aux IA autant qu’aux clients, de produire une créativité mesurable, d’investir les bons environnements (retail media, créateurs, micro-communautés) et de proposer une expérience simple, rapide et intuitive prendront une longueur d’avance décisive. Les autres perdront toute lisibilité commerciale — souvent sans même s’en apercevoir.
La mode entre clairement dans un cycle où la désirabilité ne se joue plus seulement dans le produit, l’image ou la rue, mais dans l’infrastructure invisible qui relie une marque à son consommateur. Et dans cette nouvelle équation, la donnée, l’IA et les créateurs deviennent les nouveaux piliers de la compétitivité fashion.
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