Esprit, le modèle de la « brand company » pour un empire à reconstruire

Esprit, ancien leader du prêt-à-porter, poursuit sa descente dans les restructurations. En l’espace d’un an, la marque a perdu la quasi-totalité de son réseau de boutiques et placé plusieurs filiales européennes en faillite.

Aujourd’hui, Esprit Holdings Ltd, cotée à Hong Kong, ne gère plus de magasins ni de collections. L’entreprise se revendique désormais comme une brand company, se concentrant uniquement sur l’octroi de licences à des partenaires locaux. Un virage radical vers un modèle sans actifs physiques.

Une chute vertigineuse, mais une rentabilité durable

Au premier semestre 2025, les recettes provenant des activités persistantes ont chuté à seulement 6,6 millions de dollars hongkongais (environ 724 000 euros), soit une baisse de 75 % en comparaison à la même période en 2024, selon FashionNetwork. Ce recul reflète la disparition des revenus liés aux licences en Europe, après la désolidarisation des filiales allemandes.

Malgré cette sévère contraction, Esprit a dégagé un bénéfice net de 22,1 millions de HKD provenant des activités abandonnées, permettant de redistribuer 1,3 million HKD aux actionnaires. Un indicateur surprenant pour une entreprise en plein effondrement opérationnel.

Un virage décisif vers l’allègement

La transformation n’est pas qu’un mouvement défensif, il s’agit d’une évolution réfléchie vers un modèle “asset-light”. En réduisant ses effectifs à moins de 40 employés (contre plus de 500 il y a un an), Esprit élimine les lourdeurs logistiques et capitalistique associées à la distribution physique.

Ce modèle, déjà adopté par des groupes tels que Authentic Brands Group, s’appuie sur la force de la marque plutôt que sur les infrastructures. En 2023, les revenus générés par ce modèle ont atteint 121 millions HKD (environ 14 millions euros), marquant un tournant dans la stratégie d’Esprit.

La Chine, priorité pour la reprise

Le principal pari d’Esprit réside aujourd’hui dans le marché chinois. Un accord de licence a été signé en 2025 avec un partenaire local, dont l’identification reste confidentielle, en vue d’un lancement digital sur les principales plateformes e-commerce (Tmall, JD.com, Douyin, Vip.com). Une collection automne-hiver 2025 est en préparation, tandis que des sous-licenciés pourraient être sollicités pour catégoriser l’offre.

Ce choix stratégique tient à la montée fulgurante du commerce mobile en Chine, qui représente plus de 50 % des ventes au détail, contre moins de 15 % aux États-Unis, selon Business of Apps. Entamer cette relance digitale permet à Esprit d’espérer reconquérir une clientèle jeune, connectée et en quête de marques occidentales.

Expansion par licence, et quelques doutes persistent

En parallèle, la marque a conclu un contrat de licence pour l'Amérique du Nord, au Canada, et renouvelé celui pour l’Amérique latine. L’Europe reste néanmoins hors-jeu, conséquence des faillites successives des entités allemandes, belges, danoises, néerlandaises et américaines.

Ce repositionnement ne va pas sans poser son lot de défis. En confiant l’essentiel de son avenir à des licenciés, Esprit s’expose à une dépendance vis-à-vis de partenaires tiers dont elle ne maîtrise pas toujours la stratégie ni la qualité d’exécution. Le recours à de multiples sous-licences accroît en outre le risque de dilution, si la marque venait à être exploitée dans des directions trop hétérogènes. Enfin, Esprit doit composer avec une image vieillissante, encore associée aux années 2000, alors même que son succès dépendra de sa capacité à convaincre une génération Z plus volatile, moins fidèle et beaucoup moins attachée à cet héritage.

Quels sont les risques encourus?

Esprit Holdings explore désormais les acquisitions de nouvelles licences pour constituer un portefeuille multi-marques, à l’instar d’Authentic Brands Group. Il ne s’agit plus de vendre des vêtements, mais de monétiser un capital immatériel. Le succès futur dépendra de l’habileté des partenaires, notamment en Chine, à redonner vie à une marque usée, et de la capacité d’Esprit à conserver une cohérence de marque à l’échelle globale