France Teinture : victime collatérale des difficultés du Coq Sportif

L'entreprise troyenne France Teinture, spécialisée dans l'ennoblissement textile, a été placée en redressement judiciaire le 29 juillet 2025, suite à la perte d'un client majeur : Le Coq Sportif. Cette situation met en lumière les défis auxquels sont confrontés les sous-traitants de l'industrie textile française, souvent pris en étau entre la délocalisation de la production et la fragilité de leurs donneurs d'ordre.

Une entreprise historique en difficulté

Fondée en 2004 par Denis Arnoult, Nicola Tinelli et Vincent Lemmel, France Teinture a repris la Teinturerie de Champagne, une entreprise familiale existant depuis 1926. Située à Troyes, berceau historique de la maille en France, l'entreprise a su préserver un savoir-faire unique en matière de teinture textile.

Selon Ruby Payeur, l'entreprise a réalisé en 2023 un chiffre d'affaires de 10,78 millions d'euros, mais a enregistré une perte nette de 17 029 euros. L'entreprise, qui emploie 80 salariés, dispose désormais de six mois pour tenter de redresser la barre, selon Repreneurs.

L'impact d'un partenaire en difficulté

Le Coq Sportif, emblématique marque française, a été placé en redressement judiciaire en novembre 2024, après avoir accumulé des pertes cumulées d'environ 80 millions d'euros sur quatre exercices. Cette situation a conduit à une restructuration de l'entreprise, incluant la fermeture de magasins non rentables et une réduction significative des effectifs. L’entreprise a finalement été reprise début juillet 2025 par l’homme d’affaires franco-suisse Dan Mamane, qui a promis d’injecter 70 millions d'euros pour relancer l’activité et maintenir 201 emplois sur environ 300.

La dépendance de France Teinture vis-à-vis de ce client majeur s’est avérée fatale. La baisse soudaine des commandes du donneur d'ordre, établi à Romilly-sur-Seine, a asséché sa trésorerie. Pour les administrateurs judiciaires, Maître Alexandre Bortolus et Maître Isabelle Barault, la priorité sera d'analyser les comptes et d’élaborer un plan de continuation d’ici janvier 2026.

Les défis structurels de la filière textile

La crise traversée par France Teinture met en lumière les fragilités profondes du textile français, affaibli depuis des décennies par la désindustrialisation et la pression de la concurrence internationale à bas coûts. Nombre de PME se retrouvent dans une position de dépendance, concentrant une part essentielle de leur activité sur un nombre restreint de donneurs d’ordre.

Ce déséquilibre crée un véritable effet domino. Lorsqu’un client majeur vacille, c’est tout un écosystème de sous-traitants qui se trouve en péril. « Il est urgent de diversifier la clientèle de nos sous-traitants, faute de quoi nous risquons de perdre des savoir-faire clés », avertissait déjà la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin dans un rapport publié en 2024.

Plus largement, le cas de France Teinture illustre une vulnérabilité partagée par une grande partie de la filière. Selon l’Union des Industries Textiles (UIT), près d’un tiers des PME françaises du secteur réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires avec un seul client. Un modèle risqué, qui fragilise la pérennité des savoir-faire et la stabilité de l’emploi local.

Perspectives d'avenir

Face à cette crise, France Teinture dispose d'une période de six mois pour présenter un plan de redressement.

La solidarité du tissu industriel local, notamment à travers des initiatives comme « Les Faiseurs de Maille », pourrait jouer un rôle clé dans la sauvegarde de l'entreprise.

Un élan nécessaire, car comme le précisait Denis Arnoult, cogérant de France Teinture, dans une interview pour Business Sud, « Il faut espérer que la dépendance constatée pour des produits peu élaborés, mais vitaux, puisse être le déclencheur d’une prise de conscience de la nécessaire réindustrialisation de notre pays, qui garantira indépendance, qualité et sécurité de l’ensemble des produits pouvant être ainsi fabriqués dans notre pays, parallèlement à une partie de la réponse environnementale, en diminuant leur empreinte carbone. »