Inditex, l’infatigable : croissance durable ou simple pause conjoncturelle ?

Alors qu’Inditex, maison mère de Zara, célébrait le 9 mai les 50 ans de son enseigne phare, et que son directeur général assure que le groupe dispose encore d’un "fort potentiel de croissance sur tous les marchés", les derniers résultats financiers suscitent des interrogations. Le leader espagnol poursuit-il réellement sa progression ou entre-t-il dans une phase de consolidation après des décennies d’expansion soutenue ? Si la résilience d’Inditex face aux nombreuses secousses du marché reste remarquable, la dynamique semble aujourd’hui plus contrastée.

Des résultats en ralentissement

Au premier trimestre 2025, Inditex a enregistré une hausse modeste de son bénéfice net (+0,8 %, à 1,305 milliard d’euros) et une progression limitée de ses ventes (+1,5 %). Ce coup de frein intervient dans un contexte de tensions commerciales, de craintes inflationnistes et de recul de la consommation, notamment aux États-Unis. Les ventes estivales ont également démarré plus lentement que prévu, accentuant les doutes sur la capacité du groupe à maintenir son rythme historique.

Une confiance intacte

Malgré ce tassement, le directeur général Oscar García Maceiras se veut rassurant : « Toutes nos marques ont encore un fort potentiel de croissance sur tous les marchés », affirme-t-il, en misant particulièrement sur les États-Unis. Le groupe poursuit une stratégie active d’ouvertures, d’agrandissements et de rénovations de magasins, avec un accent mis sur les meilleurs emplacements et une expérience client enrichie.

Un positionnement qui s’appuie sur les forces historiques du groupe : des magasins phares soigneusement choisis, des cycles de production ultrarapides — 15 jours entre la conception et la mise en rayon — et une logistique redoutablement efficace. En rationalisant son réseau (moins de magasins mais des surfaces plus grandes), Inditex renforce sa compétitivité et stimule le panier moyen, comme en témoigne la fusion des concepts Zara et Zara Home dans certains points de vente.

Un modèle toujours performant

Malgré le léger fléchissement récent, les fondamentaux du groupe restent donc solides. Sur l’ensemble de l’exercice 2024, Inditex a réalisé un chiffre d’affaires de 38,6 milliards d’euros, avec une croissance de 6,6 % pour Zara, qui pèse 72 % des revenus. Une performance qui contraste avec la stagnation d’H&M et les difficultés de nombreuses enseignes historiques (Forever 21, Jennyfer), malmenées par la montée en puissance de Shein et des plateformes ultra-rapides.

Zara continue de tirer son épingle du jeu grâce à une stratégie omnicanale agile et une obsession pour l’expérience client. Flagships aux concepts marquants, caisses automatiques, miroirs connectés, click & collect et nouveaux services premium (personal shopper, Zara Salon, Zacaffé) nourrissent la fidélité des consommateurs. L’innovation omnicanale reste l’un des piliers de sa stratégie, tout comme le développement de concepts spécifiques, à l’instar du récent Zara Man ouvert à Zurich.

Une croissance plus sélective

Inditex semble aujourd’hui ne plus miser plus sur la croissance à tout prix. Le groupe préfère désormais des investissements qualitatifs : des magasins plus vastes, une expérience différenciante et une montée en gamme de ses services. Ce recentrage intelligent explique pourquoi, malgré une légère contraction du nombre de magasins (-3 %), la surface de vente a continué de progresser (+2 %).

Sur le plan logistique, Inditex a investi 1,8 milliard d’euros en deux ans et prévoit l’ouverture d’un nouveau centre de distribution dédié à Zara cet été, gage d'une réactivité renforcée de la chaîne d’approvisionnement.

Croissance durable ou palier passager ?

La légère décélération observée pourrait donc davantage relever des turbulences conjoncturels que d’un essoufflement du modèle. Inditex reste une machine agile et solide, et solidement positionné face à la concurrence. La stratégie long terme — combiner le meilleur du physique et du digital, rationaliser sans réduire l’attractivité — semble porter ses fruits.

La question n’est peut-être pas de savoir si Inditex est encore en croissance, mais plutôt de constater qu’il s’oriente vers une croissance plus maîtrisée, moins spectaculaire, mais sans doute plus durable.