Pourquoi le secteur textile demeure un pilier de l’économie tunisienne ?
Le secteur du textile et de l’habillement reste une pièce maîtresse de l’économie tunisienne. Avec près de 160 000 emplois et plus de 1 500 entreprises actives, dont 85 % tournées vers l’export, la filière conserve un poids considérable dans le tissu productif national.
Alors que beaucoup anticipaient une contraction face à la volatilité mondiale, les exportations tunisiennes du textile ont progressé de 2,61 % sur les cinq premiers mois de 2025, atteignant 3 942 millions de dinars (environ 1 178 millions euros). Des chiffres corroborés ce jour par l'Institut National de Statistique de Tunisie, contacté par FashionUnited. À ce rythme, elles pourraient s’élever à 9 365 millions de dinars d’ici la fin d’année, selon les prévisions du ministre de l’Économie Samir Abdelhafidh, rapportés dans l'Africain Moderne et Entreprises Magazine.
Le double visage du secteur : opportunités et fragilités
Cette progression masque toutefois une réalité contrastée. Comme le rapporte Web Manager Center, si les exportations de textiles (tissus et matières premières transformées) progressent, celles de l’habillement reculent dans certains segments. Les exportations de vêtements en maille affichent par exemple un repli d’environ 10 %. La filière denim, qui emploie près de 30 000 travailleurs dans les régions du Sahel, de Nabeul et de Tunis, est particulièrement exposée à la concurrence des produits égyptiens et marocains, soutenus par des subventions énergétiques et logistiques.
Emploi, structures et exportations : des atouts solides
Avec environ 160 000 emplois répartis dans près de 1 600 entreprises, le textile représente à lui seul 29 % de l’emploi industriel tunisien, selon TuniBusiness. La Presse de Tunisie estime par ailleurs que la filière génère environ 15 à 16 % des exportations industrielles et qu’elle concentre près d’un tiers du tissu industriel national. Ces chiffres révèlent la solidité de ses fondamentaux : une main-d’œuvre spécialisée, une tradition de production ancienne et des capacités d’export éprouvées vers les marchés européens.
Les freins persistants : coûts, législation, concurrence
Ces atouts sont néanmoins contrebalancés par des difficultés structurelles. Les coûts de l’énergie, de l’eau et des matières premières continuent de peser sur les marges, en particulier pour les PME. S’y ajoutent des procédures administratives longues et un cadre législatif perçu comme instable, qui découragent les investisseurs étrangers et freinent l’expansion des unités existantes.
Le contexte international renforce ces pressions. Les marchés européens — qui absorbent près de 87 % des exportations tunisiennes, selon Espacemanager — connaissent un ralentissement économique. Cela affecte directement la demande, dans un contexte où les importateurs exigent en plus des normes environnementales et sociales de plus en plus strictes.
Pourquoi le textile reste un pilier malgré les difficultés
Malgré ces défis, plusieurs facteurs expliquent pourquoi le textile continue de jouer un rôle central dans l’économie tunisienne.
D’abord, son orientation exportatrice reste un atout majeur. Comme le souligne Espacemanager, près de 87 % des exportations tunisiennes de textile-habillement sont destinées à l’Europe, ce qui offre un avantage logistique et culturel, notamment en matière de délais de livraison et de conformité réglementaire.
Ensuite, la diversité des segments constitue une protection naturelle face aux fluctuations. Comme le rappelle L’Économiste Maghrébin, la Tunisie ne dépend pas uniquement du prêt-à-porter : le pays produit aussi des textiles techniques pour l’automobile ou l’aéronautique, des vêtements professionnels et militaires, ainsi que du textile d’ameublement. Cette variété renforce sa résilience.
La proximité géographique avec l’Europe reste un autre avantage compétitif. Selon Africain Moderne, les délais et coûts logistiques sont bien inférieurs à ceux des fournisseurs asiatiques. Même si les prix de l’énergie et du transport augmentent, certaines entreprises tunisiennes investissent déjà dans l’efficacité énergétique pour préserver leurs marges.
Enfin, la capacité du secteur à maintenir une balance commerciale positive illustre son rôle de stabilisateur macroéconomique. Le Tunisie Tribune rappelle que le taux de couverture du secteur dépasse les 100 %, ce qui en fait l’un des rares domaines où la Tunisie dégage un excédent, contrairement à d’autres filières fortement dépendantes des importations.
Perspectives : diversification, montée en gamme et climat des affaires
Pour maintenir son statut de pilier économique, le textile tunisien doit réussir sa transformation. Cela suppose une montée en gamme avec davantage de textiles techniques, une adoption accélérée des normes environnementales et sociales – de plus en plus déterminantes pour les acheteurs européens – et une simplification du cadre législatif afin d’encourager l’investissement.
Comme le souligne La Presse de Tunisie, la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement plaide notamment pour une simplification des procédures administratives, un financement plus accessible pour les PME et une fiscalité plus claire. De son côté, L’Économiste Maghrébin estime que l’anticipation des normes ESG (environnement, social, gouvernance) pourrait transformer une contrainte en avantage compétitif, en permettant aux entreprises tunisiennes de sécuriser leur accès au marché européen et de séduire des clients sensibles à ces enjeux dans les économies émergentes.
En définitive, si la Tunisie parvient à conjuguer proximité géographique, montée en gamme et adaptation réglementaire, le textile restera l’un des rares secteurs capables d’assurer une stabilité macroéconomique et sociale tout en attirant des investissements étrangers.
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