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Rationalisation n'est pas simplification : un regard sur les réformes du reporting durable de l'UE

By Diane Vanderschelden

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European flag. Credits: via Unsplash

Le 20 janvier 2025, une déclaration de Stéphane Séjourné, commissaire européen en charge de la prospérité et de la stratégie industrielle, a provoqué une certaine confusion parmi les acteurs du secteur de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Lors de son intervention sur France Inter, il a évoqué une « suppression du reporting » climatique pour les entreprises européennes, une remarque qui a été largement interprétée comme une menace de suppression de la Directive sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (CSRD), une des pierres angulaires des régulations de l'UE en matière de durabilité.

Cependant, cette déclaration a été rapidement clarifiée par son équipe, qui a précisé que le commissaire ne proposait pas de supprimer la CSRD, mais plutôt de simplifier et rationaliser les processus de reporting, en particulier en ce qui concerne les exigences climatiques. « Nous gardons les objectifs, notamment climatiques, mais nous changeons le parcours pour les entreprises pour y arriver », a affirmé Stéphane Séjourné. Cette annonce fait bel et bien écho à la proposition législative omnibus de la Commission européenne qui sera présentée le 26 février 2025, et qui vise à réduire la complexité des normes pour les entreprises, en particulier pour le reporting sur la durabilité, la taxonomie et la diligence raisonnée.

Le package omnibus : rationaliser, pas simplifier

Le terme «rationaliser» a suscité une certaine confusion dans le débat en cours. Comme l'a souligné Ursula von der Leyen lors de son annonce en novembre 2024, la proposition omnibus vise à rationaliser ces réglementations plutôt qu'à les affaiblir. Cette distinction est importante, car elle précise que la Commission ne vise pas à simplifier les réglementations, mais à en éliminer les redondances et à rendre leur mise en œuvre plus efficace.

En réponse aux préoccupations concernant la compétitivité des entreprises européennes, la Commission européenne a en effet rédigé une proposition législative omnibus visant à réduire les chevauchements dans les exigences de reporting en matière de durabilité. Cette proposition concerne des réglementations telles que la Directive sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (CSRD), la Directive sur la Diligence Raisonnée en Matière de Durabilité des Entreprises (CS3D) et le Règlement sur la Taxonomie (Taxonomie de l'UE). Cependant, la portée et l'impact de ces changements demeurent flous, laissant de nombreuses entreprises dans un état d'incertitude.

Les premières entreprises soumises à la CSRD devront publier leurs rapports en 2025 pour l'exercice financier commençant en 2024, ce qui laisse peu de temps aux entreprises pour la préparation, comme le soulignent Rita Hunter et Emily Julier, du cabinet Hogan Lovells. L'introduction d'une proposition omnibus pourrait potentiellement retarder ou modifier ces exigences, mais aucun changement n'a encore été convenu. À ce jour, plusieurs États membres ainsi que des parties prenantes telles que les petites et moyennes entreprises (PME) ont exprimé des préoccupations concernant la charge administrative liée à la conformité, suggérant un retard dans l'application de la CSRD ou une augmentation des seuils de reporting. D'autres parties prenantes soulignent néanmoins l'importance de maintenir des normes élevées en matière de reporting sur la durabilité pour garantir la comparabilité et la transparence au sein du marché de l'UE, note Responsible Investor.

L'augmentation des régulations ESG : une réelle menace pour la compétitivité européenne ?

Le débat autour des régulations ESG de l'UE est largement alimenté par des préoccupations concernant la compétitivité européenne. L'ancien président de la BCE, Mario Draghi, a exprimé ses inquiétudes concernant la charge réglementaire, notamment pour les PME, dans son rapport de 2024 sur l'avenir de la compétitivité européenne. Il a souligné que 60 % des entreprises de l'UE considèrent la réglementation comme un obstacle à l'investissement, et de nombreuses PME la citent comme leur principal défi. Le reporting sur la durabilité et les exigences en matière de diligence raisonnée, souvent perçus comme redondants et incohérents, contribuent largement à cette charge, souligne Hogan Lovells.

Les recommandations de Draghi ont rejoint celles de la Déclaration de Budapest, qui met l'accent sur la nécessité d'une « révolution de la simplification » des processus réglementaires. La Commission européenne a répondu en s'engageant à réduire les exigences de reporting d'au moins 25 % d'ici mi-2025. Cependant, il reste incertain de savoir jusqu'où ira la proposition omnibus pour répondre à ces préoccupations.

À quoi pouvons-nous nous attendre du «package» omnibus ?

Bien que l'intention derrière le «package» omnibus soit claire — réduire la bureaucratie et éliminer les duplications dans le reporting sur la durabilité — les détails concernant la portée et le calendrier des changements demeurent insuffisants. La proposition devrait être discutée par les ministres des Finances européens en février 2025, et davantage d'informations sont attendues à la suite de ces discussions.

De plus, diverses parties prenantes ont exprimé leurs préoccupations. Par exemple, des ministres allemands ont plaidé pour un report dans l'application de la CSRD et une réduction des exigences de conformité pour les PME, rapporte Responsible Investor. Ces préoccupations sont partagées par plusieurs entreprises françaises et allemandes, qui estiment que le cadre réglementaire actuel est lourd, en particulier pour celles qui ne se sont pas encore pleinement préparées aux échéances de reporting.

Pourquoi certaines grandes entreprises sont-elles contre le «package» de simplification omnibus de l'UE ?

Les Allemands ne sont malheureusement pas les seuls à exprimer leur désaccord. Un groupe de 11 grandes entreprises mondiales, dont Unilever, Mars, Nestlé et DP World, a fait part de son opposition à la proposition de simplification de la réglementation européenne sur la durabilité, rapporte le journaliste James Darley dans Sustainability Magazine. Ces entreprises ont signé une lettre ouverte demandant à la Commission de ne pas affaiblir les normes de reporting de durabilité existantes, notamment en ce qui concerne la directive sur la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises (CSDDD) et la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD).

Elles soulignent qu'elles ont déjà investi des ressources considérables pour se conformer aux exigences actuelles et que la prévisibilité des règles est essentielle pour prendre des décisions éclairées. Elles craignent que la réouverture des textes législatifs pour renégociation puisse créer de l'incertitude et perturber les efforts déjà mis en place. Les entreprises insistent sur le fait qu'une guidance claire de la part de la Commission est nécessaire, sans revenir sur les engagements pris. Selon le même article du Sustainability Magazine du 20 janvier 2025, ces préoccupations sont partagées par d'autres parties prenantes, qui appellent à un équilibre entre simplification et maintien des standards rigoureux pour la durabilité.

Le défi de concilier réglementation et compétitivité

D'autre part, certaines entreprises ont déjà investi massivement dans la conformité avec la CSRD et d'autres régulations en matière de durabilité. Pour ces entreprises, tout retard ou allègement des exigences de reporting risquerait de les désavantager par rapport à leurs concurrents qui, eux, ont déjà entamé leurs préparations. L'UE devra trouver un équilibre entre le maintien de normes rigoureuses en matière de reporting et la santé économique de ses entreprises.

En conclusion, bien que la proposition omnibus soit encore en phase de développement, elle soulève des enjeux fondamentaux pour l'avenir du reporting sur la durabilité en Europe. Le calendrier des changements demeure incertain, mais l'engagement de la Commission à traiter les questions de compétitivité et de charge réglementaire est clair. Les entreprises concernées par la CSRD et d'autres régulations doivent continuer de se préparer pour le reporting requis, car le résultat final de la proposition omnibus reste à déterminer.

En résumé
  • La Commission européenne propose un package omnibus pour rationaliser les réglementations ESG, notamment la CSRD et la CS3D, afin de réduire la charge administrative pour les entreprises.
  • Ce package vise à éliminer les redondances, mais pas à simplifier ou affaiblir les exigences de reporting sur la durabilité, ce qui suscite des débats et des inquiétudes quant à son impact réel.
  • De nombreuses parties prenantes, dont de grandes entreprises et des États membres, expriment des préoccupations divergentes, certaines demandant un report ou une simplification, tandis que d'autres insistent sur le maintien de normes élevées pour garantir la compétitivité européenne.
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