Selon la BCE, la concurrence croissante de la Chine va poser des problèmes pour l'emploi européen

Selon une étude de la BCE, Banque centrale européenne, publiée récemment, les tensions commerciales avec les États-Unis, qui poussent la Chine à exporter davantage vers la zone euro, peuvent engendrer des difficultés, avec une diminution des offres d'emploi pour les Européens et, donc, une hausse du chômage. L'étude, menée par les économistes de la BCE, Clémence Berson, Claudia Foroni, Vanessa Gunnella et Laura Lebastard, a été publiée dans le Bulletin économique de la BCE, numéro 5/2025.

Le secteur manufacturier est particulièrement exposé aux chocs commerciaux et à la pénétration des importations chinoises

« La concurrence croissante de la Chine sur les marchés d'exportation mondiaux a influencé le marché du travail de la zone euro ces dernières années. Avec l'ascension de la Chine dans la chaîne de valeur, ses exportations concurrencent de plus en plus les entreprises européennes, tant au niveau national que sur les marchés des pays tiers (...) », nous apprend l'étude. Selon le rapport, cette concurrence ne se limite plus aux biens à bas coût ; elle s'étend à des secteurs à haute valeur ajoutée, tels que l'automobile et les machines spécialisées. Ainsi, les droits de douane élevés imposés par les États-Unis sur la Chine pourraient accroître la concurrence pour les fabricants de la zone euro si les exportateurs chinois développent ou cherchent de nouveaux marchés en Europe.

Les exportations chinoises vers la zone euro ont augmenté de 60 % après la pandémie

Depuis l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, ses exportations vers la zone euro ont considérablement augmenté : malgré une stabilisation au cours de la décennie 2010-2020, elles ont progressé de 60 % après la pandémie. La part chinoise des importations de biens de la zone euro a augmenté de deux points de pourcentage pour atteindre 15,6 % en 2024.

Les importations en provenance de Chine ont fortement augmenté dans certains secteurs. L'automobile et la chimie ont ainsi enregistré les plus fortes hausses des importations chinoises, respectivement de 150 % et 140 % au cours des cinq dernières années. La concurrence croissante de la Chine a des implications directes pour les marchés du travail de la zone euro. Les secteurs particulièrement exposés à la concurrence chinoise, c'est-à-dire ceux dans lesquels les importations en provenance de Chine ont fortement augmenté, employaient 29 millions de travailleurs, soit environ 27 % de l'emploi total dans la zone euro en 2024. Sur la base des données de cette année-là, le secteur manufacturier représente une part importante, puisqu'il emploie 24 millions de travailleurs et qu'il est particulièrement exposé aux chocs commerciaux et à la pénétration des importations chinoises.

Les entreprises de la zone euro doivent s'adapter à un environnement mondial de plus en plus concurrentiel

La demande de travail a davantage diminué dans les secteurs où l'exposition à la Chine a le plus augmenté entre 2019 et 2024. Plus précisément, l'étude indique que la demande de travail dans la zone euro a subi d'importants chocs, tels que la pandémie et la crise énergétique. D'autres dynamiques dans des secteurs spécifiques (comme la faible demande d'automobiles en Europe) pourraient également avoir eu un impact.

Selon l'étude de la BCE, la politique commerciale américaine actuelle et l'imposition de droits de douane vont probablement accroître la concurrence chinoise. Suite aux annonces de l'administration Trump concernant l'augmentation des droits de douane américains sur les produits chinois, les exportateurs chinois pourraient développer ou rechercher de nouveaux marchés ailleurs et réorienter davantage leurs échanges commerciaux vers l'Europe. Cette déviation commerciale pourrait amplifier la pénétration des importations chinoises sur les marchés de la zone euro, mettant au défi les fabricants. Bien que les entreprises de la zone euro puissent bénéficier d'un certain avantage concurrentiel sur les marchés américains par rapport à la Chine, car les droits de douane américains sur la Chine sont relativement plus élevés, il est peu probable que cela compense les pertes sur le marché intérieur.

La BCE souligne que dans l'ensemble, la compétitivité croissante des exportations chinoises pose des défis importants pour les marchés du travail de la zone euro. Bien que l'impact soit actuellement concentré dans des secteurs tels que l'automobile et la chimie, les implications plus larges pourraient s'étendre à près d'un tiers de l'emploi de la zone euro. La déviation commerciale en provenance des États-Unis, associée à la compétitivité croissante de la Chine dans les secteurs à haute valeur ajoutée, suggère que les entreprises de la zone euro doivent s'adapter à un environnement mondial de plus en plus concurrentiel. Les chocs commerciaux peuvent provoquer des perturbations à court terme et des déplacements d'emplois entre les secteurs.

Cependant, à long terme, « l'emploi total pourrait ne pas beaucoup changer, car l'économie s'adapte grâce aux variations salariales et au déplacement des travailleurs entre les secteurs. Néanmoins, des défis tels que les inefficacités du marché du travail, les coûts d'ajustement et les politiques gouvernementales pourraient entraîner des perturbations temporaires avant qu'un nouvel équilibre ne soit atteint », prévient la BCE.

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