De fil en aiguille, la mode s'impose dans les musées
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Paris - "Louvre Couture", Dolce & Gabbana au Grand Palais... En France, la mode s'invite de plus en plus au-delà des musées spécialisés, souvent avec succès, s'affirmant comme un phénomène culturel. Dernier en date, le Petit Palais à Paris consacre à partir de mercredi une rétrospective à la maison Worth, à l'origine de la haute couture.
Fruit d'une collaboration avec le Palais Galliera - le musée parisien de la mode -, l'exposition met en lumière cette maison fondée en 1858 dans la capitale française par l'Anglais Charles Frederick Worth (1825-1895) et qui a créé des vêtements jusqu'au milieu du XXe siècle. "L'ouverture de l'exposition Worth coïncide avec un moment particulier", constate auprès de l'AFP Annick Lemoine, directrice du Petit Palais. "Je crois que c'est un hasard mais qui dit l'importance et l'intérêt aujourd'hui pour la mode", souligne-t-elle.
"La mode capte les attentions, captive", abonde Olivier Saillard, historien de la mode et directeur de la Fondation Azzedine Alaïa à Paris, où l'exposition consacrée à l'amitié entre le couturier et Thierry Mugler devrait être prolongée. Considéré comme un art plus accessible, "la mode décrispe un peu" à l'idée de prendre son billet pour un musée, ajoute M. Saillard.
Elle est "absolument extraordinaire parce qu'elle est comprise de tout le monde", analyse pour sa part Olivier Gabet, directeur du département des Objets d'art du Louvre et commissaire de l'exposition inédite "Louvre Couture", faisant dialoguer des chefs d'oeuvre de ce département et des pièces de grands créateurs.
"Visiteurs un peu différents"
"Ça dit des choses profondes de notre société, parce que le vêtement est quelque chose de très universel, tout un chacun peut avoir son point de vue sur la mode", poursuit-il. Et d'ajouter que le plus célèbre musée du monde "ne fait pas ça pour avoir plus de visiteurs" mais plutôt pour s'adresser à des "visiteurs peut-être un peu différents, un peu plus jeunes, un peu plus liés à une forme de diversité".
Pour Annabelle Ténèze, directrice du Louvre-Lens qui accueille l'exposition "S'habiller en artiste, l'artiste et le vêtement", la popularité de ces thèmes est la convergence de préoccupations plus larges.
"Il y a vraiment un retour de la question du tissu dans l'art contemporain qui est lié au retour de la question de l'artisanat, du féminisme", explique-t-elle à l'AFP. Par ailleurs, "la question du corps est beaucoup plus centrale aujourd'hui dans l'identité, et particulièrement pour les jeunes générations. Le vêtement, qui est une seconde peau, n'est plus du tout perçu comme superficiel".
Pour preuve, le public suit. Ouverte en janvier, l'exposition Dolce & Gabbana au Grand Palais à Paris a été prolongée jusqu'à début avril, tandis que "Louvre Couture" est un "succès populaire", assure Olivier Gabet. Les fastueux caftans, soieries chinoises et saris indiens de "Au fil de l'or, l'art de se vêtir de l'Orient au Soleil-Levant" au Quai Branly à Paris ont été admirés par 180.000 curieux depuis février. "L'une des meilleures fréquentations enregistrées par le musée pour une exposition temporaire", précise l'établissement.
Ancien directeur du Palais Galliera, Olivier Saillard estime par ailleurs que, si la mode déborde de plus en plus hors des musées spécialisés, c'est parce qu'elle y trouve un nouvel écrin. "Dans les musées de mode, qui sont souvent avec des vitrines, il y a parfois un effet d'asphyxie, alors qu'il y a besoin d'air autour des vêtements", développe-t-il. Confrontés à d'autres oeuvres d'art, couleurs, tapisseries ou mobilier, "ils prennent tout à coup une autre tonalité, peut-être plus vivante, plus vibrante".