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Le créateur de Shamballa veut conquérir New-York

By Herve Dewintre

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Mads Kornerup est un danois pur jus. Yeux bleus, sourire éclatant, front décidé, regard pénétrant, longue chevelure soyeuse. Il est cependant un peu plus que ce cliché parfait du “Danish way of life”. Car au fond, Mads a passé assez peu de temps au Danemark. Sa vraie vocation, c’est le voyage. Un baroudeur à l’élégance subtile dont la décontraction ne peut jamais être prise en défaut. « J’avais deux ans quand mes parents ont déménagé au Canada, puis à Chicago. Ca a peut être favorisé mon gout de l’Ailleurs, j’ai su en tout cas très jeune que j’étais fait pour découvrir la vaste palette de paysages qui constellent le globe ». De retour au Danemark, il finit ses études et met suffisamment d’argent de coté pour voyager car il s’est entretemps découvert une autre aptitude : celle du commerce : « j’achetais et je vendais tout ce que je pouvais – ticket de concert, maquillage ». Ce petit pécule lui permet de s’installer au Brésil, Il n’a pas 19 ans. Un choc. « Avec mes cheveux blonds et mes yeux bleus, je devais aller l’air super cool car on me traitait comme une rock star ». Une razzia policière – Mads n’a pas de visa, mettra fin prématurément à cette première grande escapade. Sans pour autant décourager Mads qui s’envole alors pour New York et devient assistant photographe. Il travaille alors pour les plus grands : Peter Lindberg, Albert Watson.

L’appel de la joaillerie s’est faite par une telle succession de hasards qu’on ne peut y voir qu’un appel du destin. « Ma vie est un enchainement de merveilleuses coïncidences » admet le futur fondateur de Shamballa Jewels qui vend ses premiers bijoux à New York, dans le lobby d’un studio photo. Des bijoux en argent ramenés d’Inde par un ami. Les mannequins adorent, c’est le déclic. « Je m’étais persuadé depuis plusieurs mois que j’allais devenir photographe, mais cet engouement pour les bijoux que je vendais ont modifié mon avenir ». Ce qui marque le plus lorsque l’on discute avec Mads, c’est sa transparence totale. Il aborde avec une parfaite tranquillité les échecs qui ont émaillé sa carrière, annonce des chiffres de ventes, décrit avec minutie les longues tractations menées de front avec des acheteurs frileux. Pour un français habitué aux catégorisations extrêmes, cette transparence est délicieusement rafraichissante.

« Je me suis installé une première fois à Paris en 1994, dans le Marais, rue des Franc-Bourgeois. Je vendais des bijoux en argent créés en collaboration avec plusieurs designers, des chaussures militaires, il y avait un python dans la boutique, les visiteurs étaient surpris. Ca n’a pas marché très fort. Je pense avec le recul que les parisiens n’étaient pas prêts pour l’expérience que je leur proposai. Personne n’était vraiment prêt à acheter un bijou qui ne soit pas signés Cartier ou Boucheron».

Retour à New York ou Mads inaugure cette fois ci une boutique au cœur de Soho. Fini l’argent, place aux bijoux en or. Avec le recul, cette décision fut judicieuse car elle permit à Shamballa de conquérir son premier client illustre. « Je connais bien Zofia Borucka qui est la femme de Jean Reno. Un jour, elle passe à la boutique avec un ami à elle. Cet ami, c’est Jay Z. Le célèbre rappeur souhaite commander un bracelet spécial, qui évoque le yoga et la méditation. Mads qui a fait de longs séjours en Inde, au Nepal et qui est fortement sensibilisé à la culture bouddhiste (le nom de sa marque le prouve), propose un mala précieux. Le rappeur rechigne, il désire quelque chose de plus élaboré. Mads s’enferme plusieurs jours dans l’entresol de sa boutique, médite, cherche. Son idée est la suivante : il veut entrelacer les pierres précieuses dans le cadenas d’un macramé chinois. L’exécution s’avère difficile. Le coup de pouce du destin se manifestera sous la personne d’Evan Yurman. Le fils unique du célèbre joaillier newyorkais prodigue, par amitié pour Mads, les conseils et les techniques nécessaires à la réalisation du fameux bracelet qui fera la gloire de la maison « Shamballa Jewels ». Le rappeur est comblé. « Il y avait ses initiales S.C (pour Shaw Carter), le logo de sa compagnie (Rocawear), plusieurs boules constellées de diamants, Jay Z a adoré ». Ce coup d’éclat devait être suivi de beaucoup d’autres. A tel point que le bracelet Shamballa est devenu depuis un nom commun, entré dans le langage courant.

Une nouvelle campagne dédiée aux hommes et un flagship à New-York

Nous sommes en 2009, Paris succombe cette fois ci au charme New-Age des bijoux méditatifs de Mads. Les billes de diamants, de rubis, d’ébène, d’onyx, de spinelles noires toutes enlacées dans leurs nœuds de soie s’arrachent désormais chez Colette et Montaigne Market. Un souvenir émeut tout particulièrement Mads : « Je connaissais les gouts de Karl Lagerfeld et j’avais créé plusieurs bracelets – dont un, mon préféré, avec une remarquable émeraude verte – en pensant à lui. Ces bracelets, je les avais déposés chez Colette avec l’espoir secret qu’un jour Karl les achèterait. Or cette année la, j’ai la chance d’être invité au show Haute Couture de Chanel par David Wertheimer. A la fin du défilé, Karl Lagerfeld, impeccablement vêtu de noir et blanc fait son apparition. Il salue le public, sa manche se soulève, une lueur verte attire mon attention. Karl portait mon bracelet avec l’émeraude. Je crois que c’est l’un de mes plus beaux souvenirs ».

Cette succession de triomphes n’éloigne par Mads de ses priorités. « J’ai toujours fait de la joaillerie pour hommes, toujours. C’était le point de départ de ma marque et c’est toujours son but. Pourtant, à partir du moment ou j’ai constellé mes bracelets de diamants, la donne a changé et les femmes s’en sont en quelque sorte accaparées. Ca me fait plaisir bien sur, c’est formidable mais ce n’était pas mon but. Je me suis dis que je devais donc exalter davantage l’ADN de la marque». Cette émanation de l’essence particulière à Shamballa Jewels est révélée dans la nouvelle campagne de communication de la griffe. « Nous avons eu le courage de montrer un homme car c’est bien à lui que s’adressent mes créations. Ces photos dévoilent, dans une atmosphère de féerie et une ambiance pittoresque, un homme débarrassé du carcan du costume, à l’aise avec son apparence, ses désirs, ses choix. C’est un conte qui je l’espère donnera envie de voyager et de se reconnecter avec le plaisir de la découverte ». Belle description qui, consciemment ou non, fait immanquablement penser à une autobiographie.

Autre priorité absolue : reconquérir New-York. Un retour aux premières amours en quelque sorte. Les deux frères danois ont inauguré cet automne un flagship de 1940 m2 sur Mercer Street dans le quartier de Soho. Une boutique qui fait la part belle aux matériaux bruts : chêne fumé, laiton, briques et dont la forme – un long couloir divisé par des colonnes – fait penser à un temple. Une prolongation de l’esprit de la Maison.

Crédit photo : Shamballa Jewels, dr

Karl Lagerfeld
Montaigne Market
Shamballa