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Oser ou rassurer : Les stratégies des marques à la Fashion Week parisienne

Mode|DÉCRYPTAGE
Balenciaga SS26 Credits: ©Launchmetrics/spotlight
By Julia Garel

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Mardi soir, la Fashion Week parisienne a clôturé une édition singulière. Derrière les présentations des collections femme printemps-été 2026, les enjeux étaient grands pour les poids lourds du luxe, confrontés à un ralentissement de leur croissance.

« Historique » était aussi le terme employé par les professionnels du secteur pour qualifier cette semaine de la mode pas comme les autres. Un grand nombre de griffes avaient en effet choisi cette saison pour débuter un chapitre important de leur histoire et dévoiler la toute première collection de leur nouveau directeur artistique. Si ces débuts ont largement capté l'attention du public, d'autres moments forts ont aussi marqué les esprits.

En somme, la Fashion Week de Paris s'est scindée en trois dynamiques distinctes : les Grandes Premières, les Sophomores (seconde présentation d’un directeur artistique) et les Collections de la Continuité. Chacune a mis en lumière une stratégie unique, adaptée à la position de la marque sur le marché et à son propre cycle de croissance.

Les Grandes Premières

L’arrivée d’un nouveau directeur créatif dans une maison de mode suscite toujours une forte dose d’émotions et de sentiments : curiosité, impatience, excitation… Si elle permet à la marque d'être sous le feu des projecteurs, il est aussi essentiel que l’attention ne retombe pas comme un soufflet et perdure dans le temps.

Chez Chanel, Matthieu Blazy, nouveau directeur artistique des activités Mode, semble avoir été à la hauteur des attentes. Clôturé par une standing ovation, le défilé a ému aux larmes l’assistance – peut-être aussi touchée par la signification du show en lui-même, qui tournait définitivement la page de l'ère Karl Lagerfeld, le DA de Chanel de 1983 à 2019, après quoi Virginie Viard, son « bras droit », avait assuré la succession jusqu'en 2024.

La proposition de Blazy a dépoussiéré l’image du classique tailleur en tweed et offert une silhouette résolument moderne grâce au travail créatif des matières, à la fluidité des coupes et à un stylisme portable. L’apparente simplicité et la grande créativité des pièces imaginées par Matthieu Blazy avaient déjà fait leurs preuves commercialement chez Bottega Veneta, son employeur précédent, et pourraient bien aussi redynamiser les ventes de l’illustre maison française.

Chanel SS26 par Matthieu Blazy. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

On retient : les boucles d’oreille hirsutes portées par le premier mannequin, mais aussi toutes les pièces en tweed retravaillé comme une maille souple et organique.

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Lire le compte rendu du défilé Chanel SS26 : Chanel par Matthieu Blazy : Une élégance teintée d'espièglerie

Chez Balenciaga, Pierpaolo Piccioli donne à la marque du groupe Kering une nouvelle orientation. Après la fusion de la haute couture et du streetwear que proposait son prédécesseur, Demna, le Romain insuffle un glamour moderne et beaucoup moins clivant. Pour qualifier son approche, le nouveau DA a parlé d’une « recalibration » de l’héritage de la maison.

On retient : la réinvention du City Bag, l’un des best-sellers de la marque. Un produit phare et porteur car bien que les ventes globales de la marque soient en baisse, son segment maroquinerie, lui, performe toujours.

Dior SS26 par Jonathan Anderson. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

La maison Christian Dior (LVMH) a présenté la première collection féminine de Jonathan Anderson. À l’instar de Matthieu Blazy chez Chanel, la patte du créateur était manifeste, comme une continuation de son exploration créative pour Loewe, dont il a dirigé la création durant plus de dix ans.

Parfois conceptuelles, les pièces signées Jonathan Anderson rompent avec les collections précédentes de Grazia Chiuri, dont certains jugeaient l’approche trop commerciale. On imagine que la proposition retail du défilé sera probablement complétée de pièces classiques, notamment pour ne pas perdre la communauté de clientes fidèles formée par sa prédécesseure.

Loewe SS26 par Jack McCollough et Lazaro Hernandez. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Jonathan Anderson n’assurant plus la direction artistique de Loewe, celle-ci a été confiée à Jack McCollough et Lazaro Hernandez dont le premier défilé s’est déroulé le matin du vendredi 3 octobre. Ici, pas de rupture, mais une évidente continuation. La grammaire ludique développée par Anderson se poursuit dans une collection graphique qui mélange pièces arty et vestiaire du quotidien. 

On retient : la réédition du sac Amazona 180 que la maison décrit comme « une version ample et double face », à porter ouvert ou fermé.

Autre grande nouveauté : la première collection de Duran Lantink chez Jean Paul Gaultier. L’auteur de l’une des silhouettes les plus virales de la Fashion Week AH25 (un homme arborant sur le buste une paire de faux seins), a eu la responsabilité créative d’assurer le retour du prêt-à-porter de Jean Paul Gaultier sur les podiums. Connu pour sa mode provocante et innovante, le Néerlandais est resté fidèle à son style. Résultat : une proposition qui divise, faite de références marquées aux codes JPG et de silhouettes provocantes jouant sur la nudité.

Mugler SS26 par Miguel Castro Freitas. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Cette saison marquait aussi les débuts de Miguel Castro Freitas chez Mugler, la marque du groupe L'Oréal dont l’image résonne avec les adjectifs dramatique, spectaculaire et glamour. Le nouveau DA a misé sur un langage sensuel autour de la silhouette sablier et des ensembles monochromes avec une place forte faite à la teinte nude. 

On retient : l’une des silhouettes les plus partagées sur les réseaux est une robe drapée et légère, parsemée d’étoiles et retenue par de petites créoles aux tétons du mannequin.

Sophomore

Givenchy, Tom Ford, Maison Margiela et Celine, présentaient tous la seconde collection de leur directeur artistique. Une étape clé qui permet à la marque de confirmer une vision et une identité mais aussi de gagner en crédibilité et en légitimité auprès des consommateurs comme des acheteurs professionnels.

En mars 2025, la Britannique Sarah Burton, DA de Givenchy (LVMH) avait séduit son monde grâce à des coupes sculpturales et à des looks au potentiel viral. Sa place, celle d’une femme à la tête de la direction artistique d’un poids lourd du luxe, est un fait trop rare dans un secteur qui a majoritairement nommé des hommes à ce poste. Sa vision féminine suscite donc un intérêt particulier dans le secteur - au-delà du talent qui la caractérise.

Sarah Burton avait probablement conscience de cette singularité quand elle a écrit cette phrase pour accompagner les notes du show SS26 de Givenchy : « Une féminité puissante. Je voulais explorer la force des femmes via le prisme des archétypes féminins. »

La collection joue les contrastes entre le classique et le subversif, avec des propositions couture ou arty mais aussi des pièces plus commerciales, comme une cropped jacket, une veste tendance et adaptée au quotidien.

Givenchy SS26. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Du côté de la marque Celine (LVMH), on a opté pour une stratégie originale en faisant de cette nouvelle collection signée Michael Rider la continuation de la première, présentée cet été et elle aussi dédiée au vestiaire estival femme 2026.

« Nous avons considéré cette collection comme une continuation, comme si le défilé de juillet n'avait jamais vraiment pris fin », explique Michael Rider dans les notes du show. On peut voir deux raisons à cette décision : la volonté d’ancrer durablement la nouvelle image de la femme Celine par Michael Rider, évitant de dissoudre la grammaire stylistique du nouveau DA dans une énième collection sans lien avec la précédente, ou un style qui se cherche encore et prend son temps.

Pour sa première collection Celine, Michael Rider s’était inspiré des éléments de l'ère Hedi Slimane et des années Phoebe Philo (ces deux prédécesseurs, dont les performances avaient donné lieu à une hausse des ventes). Ce second opus suit donc la même idée.

Maison Margiela SS26 par Glenn Martens. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Sur les réseaux sociaux, ce que l’on retiendra surtout du second défilé - et première collection de prêt-à-porter - de Glenn Martens pour Margiela sont les bouches bées des mannequins portant des barres de métal semblables aux écarteurs buccaux des dentistes.

La collection, néanmoins, a été bien accueillie. Le nouveau DA a misé sur un segment essentiel pour la marque : le tailoring. Ses silhouettes étaient portables, pensées pour la « vie réelle » avec une subtile construction de manches aux épaules arrondies.

Collections de la Continuité

Face à l’attention portée aux défilés des Grandes Premières (Chanel, Dior, etc.), réussir à se démarquer était le principal défi des marques de luxe ayant opté pour des Collections de la Continuité. Mais dans le contexte économique incertain d’aujourd’hui, l'heure n'était pas au sensationnalisme ou à des images trop tape-à-l'œil qui chercheraient à attirer l'attention à tout prix. La plupart des marques ont préféré rassurer leur clientèle en optant pour une approche sobre, un discours sans esbroufe axé sur un vêtement portable qui évite tout scandale et garde un ton positif, loin du climat maussade auquel sont confrontés beaucoup de pays.

Saint Laurent - printemps-été 2026

L’une des griffes à exprimer clairement une volonté de stabilité par le biais de sa création est sans aucun doute Saint Laurent. Bien que la maison du groupe Kering ait vu ses chiffres reculer au premier semestre 2025 (résultat opérationnel courant en baisse de 17%), la proposition créative d’Anthony Vaccarello - en poste depuis bientôt 10 ans - ne bouge pas : même silhouettes aux épaules larges, même grosses pièces en cuir et même volonté de ne pas faire défiler les mannequins avec des sacs, un segment pourtant clé pour le luxe.

On retiendra de ce show les imposantes robes colorées, comme gonflées, qui semblaient pouvoir se plier dans un sac à main, ainsi qu’une longue série de robes-trench.

Saint Laurent SS26. Credits: ©Launchmetrics/spotlight
### Louis Vuitton - printemps-été 2026 Comme à son habitude, le DA de Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière, a construit une collection autour d’un storytelling puissant. Cette saison, l’inspiration des anciens appartements d'été d'Anne d'Autriche, reine de France, a nourri une proposition très « lounge », axée sur des vêtements pensés pour l’intérieur. Les notes du show parlent d’une « grande liberté vestimentaire » et du « luxe ultime de s'habiller pour soi-même et de révéler sa véritable personnalité ».
Schiaparelli SS26 par Daniel Roseberry. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

« Tout ce que nous pouvons faire, c’est suivre le rythme des cœurs de nos clientes » a écrit Daniel Roseberry, dans les notes du défilé Schiaparelli. Sa déclaration montre la volonté de la marque d’inscrire son offre dans une approche plus humble, rattachée non pas à un fantasme de designer mais aux désirs de sa clientèle.

Parmi les pièces phares du prêt-à-porter Schiaparelli SS26, on retiendra le trompe-l'œil en maille, à la fois portable et puissant d’un point de vue image Instagram.

Alaïa SS26. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Alaïa - printemps-été 2026

Chez Alaïa (Richemont), Pieter Mulier a poursuivi son exploration d'un vestiaire innovant et d'une apparente simplicité, en se concentrant sur un « vêtement émouvant ». Ici, l'inventivité surprend et touche avec des vêtements qui semblent nouveaux (fait rare en 2025) et des prouesses techniques qui font l'admiration des fins connaisseurs.

En outre, le choix de la scénographie, avec un plafond en miroir et un sol numérique projetant des images, a renforcé l'idée d'introspection et de contemplation, invitant le public à réellement regarder les vêtements. L'attention s'est ainsi portée sur des pièces fortes et différenciantes qui permettent à la marque d'imposer une signature immédiatement reconnaissable.

Chloé SS26. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Chloé - printemps-été 2026

Enfin, chez Chloé, autre maison du groupe Richemont, le vêtement a (littéralement) pris plus de place que d’habitude. Ses volumes drapés suggèrent un esprit plus couture que dans les dernières collections tout en restant réalistes et portables. L'image de la femme Chloé a par ailleurs été rafraîchie par une série de pièces florales radicalement féminines et à fort potentiel commercial.

Paris Fashion Week
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