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Qu'attendent les apprentis stylistes de leur avenir ? Rencontre avec quatre étudiants

Tout juste diplômés d'un Bachelor en stylisme et modélisme, quatre jeunes étudiants partagent leur vision du secteur, leurs ambitions professionnelles et les défis auxquels ils font déjà face.
By Julia Garel

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Mode|Interview
De g. à dr. : Léa Servo Dos Santos, Jade Troles, Anthony Cancelmo, Gabin Le Roch. Credits: ÉCOLE EFET PHOTO

À quoi rêvent les stylistes de demain ? Quatre jeunes vingtenaires diplômés du Bachelor Stylisme Modélisme de l'école Mod'Art International Paris nous ont confié leurs doutes, leurs ambitions et leurs rapports au monde du travail. Entre passion créative, envies de liberté, conscience écologique et aspirations entrepreneuriales, leurs témoignages sincères et spontanés dessinent les contours d’une nouvelle génération en quête de sens.

Vous venez de terminer un Bachelor en stylisme et modélisme. Quoi de prévu pour la suite ?

Gabin Le Roch : Je m’oriente vers le parcours Digital Fashion Design de Mod'Art et je vais faire en parallèle un stage de six mois en tant que styliste image chez Monoprix. Je pense que je vais devoir travailler sur la préparation des shootings, c'est-à-dire le choix du type de mannequin, des plans pour briefer le photographe, l’ambiance générale et la création des moodboards.

Jade Troles : Je suis en recherche d’alternance dans le cadre du Mastère Direction Artistique et Management de Collection à Mod'Art, je passe donc des entretiens. J’aime beaucoup de secteurs différents : le modélisme, mais aussi le stylisme ou la photo. Je veux donc en tester plusieurs pour, ensuite, me « cadrer » dans un domaine en particulier. Par exemple, pour mes recherches d’alternance, j’ai recherché aussi bien dans des agences de booking que dans des agences de stylisme et de modélisme, beaucoup de choses différentes.

Léa Servo Dos Santos : Je suis en pleine recherche d’alternance mais du côté de mes projets perso, j’aimerais continuer ma marque sur les réseaux pour me faire connaître. Ça n'était pas mon ambition première mais je me suis rendue compte en créant ma collection de fin d’année que j’aimais beaucoup ça et grâce à mon compte Instagram, j’ai pu voir que ça plaisait beaucoup. J’aimerais donc lancer ma marque sur les réseaux pour continuer à me faire connaître. Vendre, ce n’est pas mon objectif principal.

Anthony Cancelmo : Je continue à Mod'Art, en Mastère Digital Fashion Designer.

Collection de fin d'année par Léa Servo Dos Santos. Credits: Photographe : Maeva Fey ; Modèles : Sasha Lambert Ida Vander Zwalm ; MUA : Lola RisonModèle (défilé) : Alexandre Abdou / SAINT AMBROISE.

Une fois les études terminées, envisagez-vous d'intégrer une maison de mode, une start-up, d'exercer en free-lance… ?

Gabin : J’aimerais beaucoup travailler en tant que styliste pour des créateurs émergents parce que je pense que ce sont des entreprises où l’on est plus libre de toucher un peu à tout. C’est ce qui m’anime le plus dans la mode : ne pas seulement travailler dans une seule branche d’activité mais toucher à plusieurs choses. Idéalement, j’aimerais aussi pouvoir créer ma marque. J’ai un univers bien particulier que j’aimerais développer pour commercialiser des produits.

Jade : Pour l'instant, concernant l'alternance, je cherche surtout dans des entreprises à taille humaine pour, peut-être, avoir la chance de toucher à plus de choses. Après, je n’ai pas testé de grande maison, je me fais donc peut-être une fausse idée…

Léa : J’aimerais plutôt intégrer une maison de luxe, comme Rick Owens par exemple, ça serait le graal si je pouvais travailler avec eux. Mais je suis ouverte à tout. Je verrai ce qu’on me propose et ce que ça peut m’apporter pour ma collection.

Anthony : Ça ne me dérangerait pas de travailler au sein d’une marque ou pour quelqu’un mais j’aimerais surtout exercer en freelance pour pouvoir changer, découvrir de nouveaux univers, m’adapter, toucher à plusieurs choses. Et ça me permettrait aussi de pouvoir travailler depuis chez moi et de voyager – j'ai très envie de découvrir de nouvelles cultures. Par la suite, j’aimerais aussi toucher à des branches de la mode auxquelles on ne pense pas forcément, comme le cinéma, qui m’inspire déjà beaucoup. Je veux expérimenter plein de trucs.

Gabin Le Roch retouche une dernière tenue dans les coulisses du défilé de fin d'année de l'école Modart International. Credits: SAINT AMBROISE.

À quoi ressemblerait votre poste idéal dans cinq ans ?

Anthony : Ce que j’adore c’est la direction artistique, le tout début de la collection, quand on l’imagine, la recherche de tendances, d’inspirations, de couleurs, lier le tout dans un moodboard. Après, le modélisme est aussi très important mais je ne compte pas faire ma carrière professionnelle dans cette branche.

Gabin : J’ai du mal à me projeter, à avoir une idée précise de ce que je veux. Je vais un peu là où le vent me mène parce que je préfère ne pas trop me faire d’idée au risque d’être déçu par la suite. Mais idéalement, j’aimerais beaucoup styliser des artistes. J’aime par exemple beaucoup l’univers et le style de Shy’m et j’adorerais pouvoir la styliser un jour.

Jade : Je serais plutôt du côté du stylisme, créer des moodboards. Et peut-être continuer le modélisme à côté, en vendant des pièces uniques. Mais pour le travail, je pense davantage au stylisme.

Léa : Je ne me projette pas encore. Je me vois dans la direction artistique, ou bien styliste pour des artistes, ça me plairait beaucoup.

Collection de fin d'année par Anthony Cancelmo. Credits: SAINT AMBROISE.

Craignez-vous de ne pas trouver votre place dans l’industrie ?

Anthony : Oui, j’appréhende beaucoup. En ce moment, on doit trouver une alternance, certaines personnes cherchent aussi des stages pour l’an prochain et je sais que c’est compliqué. Peu de gens ont trouvé leur alternance. J’ai donc un peu peur pour la suite, quand il faudra trouver un poste. C’est pour ça que j’aimerais toucher d'autres branches de la mode, pas seulement la DA ou les tendances. Je suis ouvert à tout, comme ça, si je ne trouve pas ma place quelque part, je pourrai changer.

Gabin : Je pense que c’est un milieu difficile d’accès, où il faut s’imposer et assumer ses choix et ses idées. Donc oui, j’appréhende un peu la façon dont ça va se passer mais j’ai toujours eu confiance dans mes projets donc je ne suis pas inquiet. Il faut rester positif dans sa manière de penser. Si on est positif et déterminé, ça se passera bien. Et puis, il faut être patient, les choses prennent du temps. Il faut accumuler les expériences.

Jade : Je m’inquiète un peu dans le sens où cela reste un monde assez fermé, on sait que le réseau et les connaissances jouent beaucoup et comme j’ai un peu de mal à aller vers les gens, je pense que ça pourrait peut-être me bloquer. Je crains de ne pas réussir à vendre le travail que je fais.

Léa : Je ne m’inquiète pas spécialement sur le fait de me démarquer parce qu’en alliant le tatouage et la mode [ndlr. : Léa a développé sa collection de fin d'année autour du tatouage et du latex], j’ai réussi à trouver ce qui me passionne et j’ai vu que ça plaisait.

Que faudrait-il changer dans le fonctionnement de l’industrie pour mieux accueillir votre génération ?

Anthony : Les stages et les alternances c’est super cool mais on peut parfois être vite dégoûté à cause du comportement de certains employeurs. Il faudrait qu’ils soient plus à l’écoute.

Gabin : Je sais que notre génération a une manière de penser le secteur du travail totalement différente, avec un mindset qui dit « on ne vit pas pour travailler mais on travaille pour vivre ». On veut qu’il y ait un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Notre façon de penser ne va pas plaire à la génération avant nous. Il faut que chaque génération s’adapte à l’autre et qu’on trouve un terrain d’entente. Mais je pense que les choses vont changer.

Jade : J’ai eu récemment plusieurs réponses négatives pour ma demande d’alternance, indiquant qu’ils préfèrent privilégier des personnes plus expérimentées. Je comprends, mais c’est assez bloquant pour ceux qui arrivent dans les secteurs puisqu’on n’a pas assez d’expérience et en même temps on peut difficilement s’en faire. Ça n’est donc pas évident, d’autant plus que les aides allouées aux entreprises pour accueillir les alternants diminuent.

Qu’attendez-vous d’un futur employeur ?

Anthony : J’attends d’un futur employeur qu’il soit à l’écoute de son employé. Durant des stages, j’ai senti qu’on était parfois juste le “stagiaire” et c’est dommage. On est jeune, on ne connait pas trop, on se fait peut-être une utopie du monde professionnel et on profite un peu de nous. Mais j’attends aussi de la liberté créative. On est jeune, on a plein d’idées, on a envie de faire plein de choses, il faudrait nous laisser un peu créer, quitte à revenir sur les idées pour les adapter. Au final, j’attends du respect.

Gabin : De la reconnaissance envers les métiers de la couture.

Jade : Pour ce qui est de la liberté créative, je pense que c’est plutôt à nous de nous adapter aux entreprises. Mais sinon, j’attends de la reconnaissance parce que ça encourage et ça donne envie de travailler, et de la confiance. Je sais que quand on me fait confiance, j’arrive à mieux m’investir.

Léa : De la stabilité et de la reconnaissance mais aussi de l’intérêt pour la marque que j'envisage de développer.

Avez-vous pensé au sujet de la rémunération ? Avez-vous des attentes spécifiques ?

Anthony : Je sais que si je me lance en free-lance, le revenu ne sera pas le même chaque mois et que cela dépendra de mon travail et de mes demandes. Le salaire est quelque chose auquel je pense, d’autant plus que l’on voit les prix augmenter partout, et que tout devient de plus en plus cher. Ma génération veut beaucoup de temps libre pour les loisirs et ce qui me pose problème n’est pas juste l’argent mais plutôt la relation entre le nombre d’heures travaillées et le salaire. Nous recherchons un équilibre parfait pour pouvoir profiter de l'argent que nous avons gagné. Mais si on veut travailler moins qu’à 100 %, il faudra que le salaire suive.

Gabin : Je sais que du côté du modélisme et de la couture, on est moins bien payé et moins reconnu, alors que ce sont les personnes qui devraient être le mieux payées parce qu’il n’y aurait pas de vêtements sans elles.

Jade : Comme je démarre, je n’ai pas encore d’attente. Je veux essayer différents secteurs et voir ce qui me plait. Je verrai plus tard si ce que je crée mérite davantage.

Collection de fin d'année par Jade Troles. Credits: Photographe : soledad fidyk ; Model : ⁠Taoma Nicolay Violaine champy Jade Morel ; MUA : Maissa hannachi.

Avez-vous envie de créer votre marque ? Et si oui, quel serait son concept ?

Anthony : J’ai adoré créer ma collection de fin d’année dans le cadre de l’école. Comme c’était ma collection, je pouvais faire tout ce que je voulais et je n’avais aucun frein. Alors, plus tard, créer ma marque me tente bien, où même un studio créatif, pourquoi pas du graphisme aussi, car j’adore la typo. Mais j’aimerais avoir plus d’expérience et de connaissances.

Gabin : Je défends beaucoup la communauté LGBT queer dans mes créations parce que je trouve que notre société fait marche arrière et que c’est important de pouvoir défendre cette communauté-là. Les anciens se sont tellement battus pour nos droits et nos libertés, il faut qu’ils soient préservés. Je voudrais donc mettre ça en avant dans ma marque, avec une grande liberté d’expression, un univers excentrique où on s'amuse et où on s’éclate, parce que je trouve que ce type de marque, un peu « folle » d’un point de vue créatif, manque – peut-être pour des raisons de rentabilité. Il y a heureusement des créateurs qui le font comme Jeanne Friot, Weinsanto, Pressiat.

Léa : En quelques mots clés, ma marque se résume à : tatouage, authentique, seconde peau et transparence.

Pour terminer, que signifie pour vous le mot « succès » dans la mode aujourd’hui ?

Anthony : Je pense que le mot succès a beaucoup changé ces dernières années, depuis que ma génération arrive dans le monde du travail. Je pense qu’aujourd’hui le succès c’est l’épanouissement, aimer ce que l’on fait et ne plus le subir comme du travail.

Gabin : Je pense que le succès revient à apporter quelque chose de bon pour la société et l’environnement, que ça soit au niveau du message que l’on délivre ou au niveau de la responsabilité écologique.

Jade : Quand on parle d’une marque, que l’on voit tout de suite qui est le créateur, selon moi, c’est important. On ne voit pas toujours qui est le créateur derrière une marque à succès et cela est limitant. Le succès signifie aussi être en capacité de vendre ses créations et avoir déjà une clientèle qui les attend et a envie de voir les nouveaux produits.

Léa : le succès passe par la reconnaissance. Un succès sur les réseaux serait déjà bien. Autrement dit, se faire un nom.

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