Avant l'arrivée imminente de Shein, le BHV s'enfonce dans la crise
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Nouveau revers pour le BHV : Disneyland Paris a renoncé à collaborer pour Noël avec le grand magasin parisien, déjà lâché par plusieurs marques et la Caisse des dépôts dans le sillage de son partenariat avec Shein, qu'espère empêcher le gouvernement.
Le célèbre parc d'attractions devait installer du 4 novembre au 31 décembre un magasin éphémère et des vitrines sur le thème de l'attraction "It's a small world" à l'occasion des fêtes de fin d'année, temps fort pour les grands magasins.
Mais "les conditions ne sont plus réunies pour déployer sereinement les animations de Noël", a-t-il déclaré à l'AFP, confirmant une information du Parisien.
"C'est le coup de massue", a réagi auprès de l'AFP l'intersyndicale du Bazar de l'Hôtel de Ville (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, SUD Solidaires). "C'était quand même fort d'avoir réussi à avoir Disney, ça aurait marché, mais la fin d'année est flinguée", a ajouté l'intersyndicale, déplorant la "cascade" de défections survenues depuis l'annonce, début octobre, de l'arrivée de Shein dans les murs du BHV.
"Rupture de confiance"
Le géant asiatique du commerce en ligne doit ouvrir, à partir de novembre, six magasins physiques pérennes en France aux couleurs de la marque de mode ultra-éphémère, l'un au sixième étage du BHV - où devait s'installer Disney - et les autres dans cinq Galeries Lafayette de province.
Mais le projet, fruit d'un accord entre Shein et la Société des grands magasins - SGM, foncière commerciale qui exploite le BHV et sept Galeries Lafayette - a suscité un tollé chez les commerçants et responsables politiques. Les plateformes asiatiques à prix discount comme Shein et Temu sont notamment accusées de concurrence déloyale, de pollution environnementale ou encore de conditions de travail indignes.
L'alliance avec Shein a poussé certaines sociétés françaises (AIME, Culture Vintage, Talm...) à quitter le BHV, déjà déserté par de nombreuses marques (Le Slip Français, Maison Lejaby, etc.) et privées de marchandises par d'autres en raison de retards de paiement, qualifiés de transitoires par la SGM.
Il y a deux semaines, la Banque des territoires, entité de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), s'est retirée des négociations entamées en juin avec la SGM pour l'aider à racheter les murs du BHV, invoquant "une rupture de confiance". Inquiets pour leur avenir, une centaine de salariés s'étaient par la suite rassemblés à l'appel des syndicats devant le BHV, en marge d'une grève.
"Trop tard"
Jeudi, avant l'annonce de Disneyland Paris, le ministre des PME et du Commerce Serge Papin a affirmé faire pression contre l'arrivée de Shein au sein du grand magasin ouvert en 1856.
"Ce partenariat est un mauvais signal qu'il faut éviter", a précisé son cabinet, ajoutant que le ministre souhaitait "trouver en ce sens des solutions, alors que l'Etat (...) a manifesté très clairement son désaccord" à travers la CDC. "C'est trop tard, tout le monde est mobilisé, la marchandise est arrivée", a expliqué l'intersyndicale. Sollicitée par l'AFP, la SGM n'a pas réagi jeudi.
Lors d'une récente rencontre avec l'AFP, son président et co-fondateur Frédéric Merlin a reconnu avoir sous-estimé "toute l'exposition politico-médiatique qu'il y avait à s'attaquer" à un "monument de Paris devant les fenêtre de l'hôtel de ville".
"L'idée pour nous, c'est vraiment de faire revivre le commerce" en générant du flux, et en refaisant du BHV "un lieu de mixité sociale", a défendu le trentenaire, déplorant une forme de "presque mépris" dans les médias ou en politique vis-à-vis "de toute cette classe qui consomme chez Shein".
"On a décidé de ne plus trop communiquer, d'attendre tranquillement l'ouverture et on espère qu'elle sera un succès", a-t-il fait valoir. Selon le dirigeant, seules "12 marques ont annoncé vouloir quitter le BHV", sur un total de 3.000 présentes, un chiffre largement sous-estimé, rétorquent les syndicats, et "100 marques ont signé" pour rejoindre l'établissement en 2026.
La polémique Shein dépasse le cadre du BHV et de la capitale. Le groupe Galeries Lafayette a réitéré auprès de l'AFP sa "ferme opposition à l'installation de Shein" dans des magasins portant son nom, comme le prévoit la SGM, avec qui des discussions sont en cours "pour trouver une solution rapide".