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Jérôme Dreyfuss : « Je déteste faire des trucs à la mode »

By Julia Garel

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Retail|Interview
Portrait de Jérôme Dreyfuss, fondateur de la marque éponyme. Credits: Jerome Dreyfuss.

Plus de 20 ans après son lancement, Jérôme Dreyfuss inaugure sa première boutique en propre hors de France. La griffe de maroquinerie – qui a récemment ouvert son capital au family office Cap Invest – a choisi les Pays-Bas, l’un de ses marchés porteurs, pour entamer une nouvelle phase de développement.

FashionUnited a rencontré son fondateur, Jérôme Dreyfuss, au cœur du quartier historique et commerçant de Negen Straatjes, dans sa nouvelle boutique d’Amsterdam.

Cette boutique est votre première en dehors de France. Pourquoi avoir choisi Amsterdam ?

Jerome Dreyfuss : Les Pays-Bas sont notre deuxième marché, après la France et devant les États-Unis, aussi bien en physique qu’en ligne. Et puis j’ai toujours eu, comme beaucoup de Français, cette espèce de fantasme autour de la Hollandaise des années 1970. Je trouve que c’est très inspirant de voir les filles ici dans la rue, sur leurs vélos, avec leurs gamins, leurs ordis... Quand j’ai commencé [la marque] et que je venais à Amsterdam, je voyais toutes ces filles avec leur vélos et leurs sacs dans le panier avant, je me disais : « il leur faut quelque chose ». C’est comme ça que j’ai commencé à faire des sacs avec de très longues bandoulières et des sacs en cross body. On me disait alors que c’était horrible, mais dans la vie les filles ont besoin d’avoir les mains libres. Il faut arrêter de dire « sois belle et tais-toi ».

Boutique Jérôme Dreyfuss, à Amsterdam. Credits: Jérôme Dreyfuss.

Amsterdam était un bon laboratoire pour moi. Alors que la femme française était très dans le chic, la hollandaise était plus dans le pratique. C’est quelque chose qui est venu plus tard en France, avec 10 ou 15 ans de décalage. Maintenant, on est tous en vélo et en cross-body, mais on ne l’était pas il y a un peu plus de 20 ans, quand j’ai commencé. C'est donc un juste retour à l’une de mes sources d’inspiration.

Et pourquoi ouvrir seulement maintenant ?

Parce que la marque se développe et que je focus beaucoup sur l’Europe. Pour des raisons écologiques essentiellement. Je n’ai pas envie d’aller bosser en Chine ou aux États-Unis, ça ne m’inspire pas beaucoup en ce moment. Pour moi l’Europe est un terrain de jeu suffisamment grand pour travailler et qui me permet de transporter les choses au maximum en train, de ne pas faire d'avion, d’avoir des temps de transport courts, et donc, écologiquement, de réduire nos émissions de CO2. Ça fait partie du process de la boîte de gérer sa culpabilité comme on peut.

Comment voyez-vous l’avenir de la marque en Europe ?

Il y aura bientôt l'Espagne, vers Madrid, et l’Italie. Parce que j’adore l’Espagne et que l’Italie est un marché important pour nous. On a la chance que ça fonctionne, donc il faut accompagner le développement de la société, mais je ne suis pas pressé, je n’ai pas la folie des grandeurs.

« Je trouve que c’est séduisant de rendre service aux filles. »

Jérôme Dreyfuss

Je m’adresse à des filles qui ont besoin d’un luxe un peu discret. Mais même le mot luxe me gêne. Je trouve que c’est galvaudé. Si le luxe c’est de vendre des sacs en plastique avec de gros logos, alors je ne fais pas du luxe. On préfère promouvoir l'artisanat, puisqu’on ne travaille qu’avec de petits ateliers. C’est du luxe parce que c’est fait avec soin, avec attention, que chaque étape de la création du produit, depuis sa création, correspond à une attente. Je travaille plus comme un architecte que comme un créateur de mode. Je trouve que c’est séduisant de rendre service aux filles.

Concernant le marché de la seconde main, où en est la marque ?

C’est un marché que l’on a développé juste avant le Covid. Il ne nous rapporte pas du tout d’argent mais il m’intéresse beaucoup. Pour le message qu’il véhicule d’abord : le fait qu’un sac se garde une vie. Et puis j’aime bien l’idée de donner l’accès aux plus jeunes, sans qu’elles aient besoin de dépenser un mois de salaire. Si on peut faciliter l’accès pour des personnes qui ont « que 300 euros » à dépenser, c’est déjà beaucoup d’argent, c’est aussi une manière de dire au client que l’on respecte ça. Je ne viens pas d’un milieu très friqué et j’ai conscience qu’un sac à 500 ou 600 euros représente beaucoup d’argent. Quand on a 20 ans et que l’on veut se faire plaisir, ça peut être aussi cool de s’acheter une pièce vintage qui va coûter « que 300 » au lieu de 600 euros. C’est un peu mettre le pied à l’étrier d’une nouvelle génération. C’est une manière de démocratiser l’artisanat.

Quel est le best-seller du moment ?

C’est le Pepito. Il a tous les codes Jérôme Dreyfuss. Il est très souple, ce que j’adore. Un sac touche le corps de la femme toute la journée et je n’ai jamais compris les sacs hyper strucutrés, qui gênent le corps. Pour moi, un sac est comme un oreiller qu’on place sous le bras, ça doit être confortable. L’idée c’est donc la souplesse, la légèreté et l'artisanat. Et Pepito a tout ça : il est fait en Italie, dans de petits ateliers, il est classique. J’adore faire des classiques, je déteste faire des trucs à la mode.

Le modèle Pepito dans la boutique Jérôme Dreyfuss, à Amsterdam. Credits: Jérôme Dreyfuss
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