-7% pour LVMH : le luxe face à la réalité du marché
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Un T1 en deçà des attentes
Selon les données publiées lundi soir, le chiffre d’affaires de LVMH s’est contracté de 2% en données publiées, à 20,31 milliards d’euros, et de 3% à périmètre et change constants, bien en dessous des 21,1 milliards d’euros attendus par le consensus FactSet, indique Agefi-Dow Jones. Les analystes de Deutsche Bank estiment que le rebond observé fin 2024 était finalement une « anomalie », non représentative d’une reprise durable.
Toutes les divisions du groupe affichent un recul ou une stagnation :
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Mode & Maroquinerie : -5% (à 10,11 milliards d'euros) — division clé du groupe, fortement impactée par une moindre demande chinoise post-Nouvel An et un ralentissement du tourisme asiatique au Japon (source : AlphaValue).
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Vins & Spiritueux : -9% — la plus forte baisse, plombée par un net recul du cognac aux États-Unis et en Chine.
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Parfums & Cosmétiques : -1% — un segment également en repli.
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Montres & Joaillerie : stable à 2,48 milliards d'euros, mais croissance en décélération.
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Distribution sélective (Sephora, travel retail) : -1%, alors que le marché attendait une croissance de +5%.
États-Unis, Chine, Japon : trois faiblesses structurelles
Sur le plan géographique, l'Asie hors Japon enregistre une chute de 11%, tirée par une consommation chinoise erratique. Les États-Unis reculent de 3%, contre une croissance de +3% le trimestre précédent, en lien avec une demande atone pour les produits de beauté et les spiritueux, notamment le cognac. Le Japon (-1%) souffre d’un effet de base défavorable.
Cette détérioration simultanée sur les trois piliers de la croissance mondiale du luxe inquiète les investisseurs. Elle remet en cause la résilience traditionnellement attribuée au secteur.
Menace douanière américaine : un nouveau facteur de stress
En parallèle, les tensions commerciales entre Washington et Bruxelles s’intensifient. Les droits de douane décidés par l’administration Trump, bien que partiellement suspendus, introduisent une nouvelle couche d’incertitude. Avec 24% de ses revenus réalisés aux États-Unis, LVMH se prépare à absorber le choc.
Le groupe rappelle disposer de trois sites de production Louis Vuitton aux USA, capables de couvrir un tiers de la demande locale. Tiffany, également produit localement, pourrait renforcer ce bouclier industriel. Mais selon AlphaValue, l’effet reste difficile à quantifier à ce stade.
Réactions des analystes : revue générale des objectifs
La déception se traduit mécaniquement par une vague de révisions à la baisse des objectifs de cours :
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Morgan Stanley : de 740 à 590 euros (abaissement à « pondération de marché »)
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Goldman Sachs : de 725 à 630 euros (recommandation d’achat maintenue)
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JP Morgan : objectif abaissé à 610 euros (recommandation neutre)
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Jefferies : de 670 à 510 euros (conserver)
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RBC Capital : de 750 à 680 euros (surperformance maintenue)
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Telsey Advisory Group : de 820 à 715 euros (surperformance maintenue)
Analyse stratégique : simple ralentissement ou inflexion de cycle ?
JPMorgan estime que le secteur a probablement atteint un plafond de croissance, rendant plus difficile la gestion des cycles de volatilité. Cette lecture est renforcée par Bernstein, qui a récemment abaissé sa prévision de croissance du marché du luxe de +5% à -2% pour 2025, évoquant « les effets secondaires du ralentissement mondial, la dévaluation du dollar et la montée des risques systémiques ».
Dans ce contexte, LVMH n’échappe pas à la règle. Le modèle ultra-intégré et globalisé du groupe — autrefois sa force — devient une exposition maximale aux soubresauts macroéconomiques.
Vigilance renforcée pour les investisseurs
LVMH affiche toujours des fondamentaux solides, une rentabilité hors norme et un portefeuille de marques inégalé. Mais les résultats du premier trimestre sonnent comme un avertissement clair : le luxe entre dans une phase de consolidation, où la croissance ne sera plus linéaire, mais conditionnée à des arbitrages géopolitiques, des ajustements d’offre, et une lecture fine de la demande locale.
Les prochaines publications de Hermès, L’Oréal et Pernod Ricard (jeudi), puis Kering (24 avril) et Rémy Cointreau (29 avril) seront décisives pour mesurer si le choc LVMH est conjoncturel ou systémique.