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Face à la concurrence venue de l'extérieur, Elia Lingerie tire la sonnette d'alarme

By Sharon Camara

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Business|Interview
Elia Lingerie tire la sonnette d'alarme. Credits: Courtesy of Élia Lingerie

Depuis 2019, Elia Lingerie propose de la lingerie menstruelle, fabriquée en France. La marque a très vite rencontré un franc succès et faisait figure de précurseur à ses débuts. Depuis, le marché a évolué et des acteurs proposant des prix défiants toute concurrence y ont fait leur entrée.

Ces derniers commercialisent des produits fabriqués dans des pays où la main-d'œuvre est moins chère, les coûts de production sont moins élevés et surtout, la réglementation est moins stricte que celle appliquée en France. Une situation que déplore Marion Goilav, cofondatrice d’Elia Lingerie qui craint que cette concurrence déloyale n’impacte négativement et durablement le marché de la lingerie menstruelle. 

Lorsqu’elle voit le jour en 2019, la marque Elia Lingerie ambitionne d'« apporter une révolution dans la routine des cycles menstruels et des règles, avec des produits innovants », explique Marion Golav, dans une interview accordée à Fashionunited. «L’idée était de proposer des produits réutilisables, ultra-confortables et beaux. Nous avons intégré ces notions dans notre recherche et développement, qui était aussi très axée sur la partie santé. Nos produits ont été co-conçus avec des professionnels de la santé. Ils sont testés tous les ans par des laboratoires extérieurs sur les points suivants : absorption, durabilité, efficacité et non-toxicité des produits », ajoute-t-elle. 

En misant sur une production locale, les fondatrices veulent « s'assurer d'avoir une transparence et une traçabilité complète. Nous avons fait le choix de produire en France, avec des produits tricotés, découpés, assemblés au sein des ateliers partenaires. L’objectif est d’avoir le produit le plus clean et le plus transparent possible. »

Marion Goilav, co-fondatrice d'Elia Lingerie Credits: Courtesy of Elia Lingerie

Très vite après son lancement, Elia lingerie devient rentable et poursuit son évolution. En 2024 pourtant, la marque enregistre une légère baisse qu’elle attribue à deux facteurs : « Il y a d’abord les investissements importants que nous avons faits sur des projets qui devraient voir le jour en 2025. Ensuite, le deuxième point concerne la production made in France qui devient de plus en plus compliquée, surtout lorsqu’il faut faire face à une concurrence très agressive », analyse Marion. 

Cette concurrence jugée agressive provient de marques dont les produits sont fabriqués en Chine, en Égypte, ou encore au Bangladesh. « Ces marques bénéficient de conditions fiscales très avantageuses comparées aux nôtres : des impôts réduits, voire inexistants, et des salaires très bas permettant de proposer de très petits prix », déplore Marion Goilav. 

Si en France, la production d’une culotte menstruelle coûte entre 15 et 20 euros, dans ces pays où la main d'œuvre est moins chère, le prix de production est inférieur, ce qui fragilise la compétitivité des entreprises françaises, selon l’entrepreneure.

« Il y a des normes sociales et environnementales qui sont imposées par la France et l'Europe, qui sont indispensables pour une production éthique, mais qui s’avèrent plus coûteuses. Nous avons une fiscalité et des charges qui sont bien plus importantes. Le poids des cotisations sociales et des impôts sur la production est bien plus élevé en France que chez les voisins européens, ou alors un peu plus loin en Chine, en Inde, etc. Ces écarts se ressentent dans les prix proposés aux clientes et sur ce plan, les produits made in France sont désavantagés. Par exemple, le prix de la culotte mensuelle en France est 3 à 4 fois supérieur à la version importée de Chine. Sauf qu’au niveau de traçabilité, de l'impact environnemental et de la durabilité, les deux produits sont incomparables », explique la cofondratrice d’Elia Lingerie. 

Un appel lancé au gouvernement 

Selon Marion Golav, l'afflux de produits venus de l’extérieur résulte d'une absence de législation stricte sur la question. « Le problème est que nous ne sommes pas protégés », regrette-t-elle. 

« Les entreprises françaises qui produisent en France, ne sont pas protégées face à la déferlante venue des autres pays, face à l'arrivée des produits de la fast fashion, de Shein ou Temu, etc. », insiste-t-elle.  

Une situation contraire, selon Marion Goilav, aux promesses faites par le gouvernement. « Cela va à l'encontre des objectifs de réindustrialisation, d'emploi et de maintien. Il n’y a pas de soutien institutionnel face à cette situation ». 

L’entrepreneure estime que le gouvernement doit prendre des initiatives pour protéger et valoriser la production locale. Marion Goilav appelle à une réindustrialisation du secteur textile français et plaide pour des solutions concrètes telles que l'instauration d’une taxe carbone aux frontières pour rééquilibrer les coûts de production locaux et étrangers, le renforcement des contrôles douaniers pour garantir une concurrence équitable et des avantages fiscaux pour les entreprises qui produisent en France

« Aujourd'hui, les protections hygiéniques jetables sont encadrées. Il faut que les culottes menstruelles le soient aussi. Il s’agit d’une zone sensible, donc les produits mis sur le marché doivent être réglementés. On se retrouve avec des produits sur lesquels des teintures très agressives ont été utilisées, où l’on peut retrouver des nanoparticules d'argent ou de cuivre, etc. Il y a un risque sanitaire et le consommateur n’est pas forcément informé. L’afflux de tous ces produits sur le sol français vient tuer l'économie, tuer l'emploi, tuer toute forme d'écologie et à cela s’ajoutent des risques sanitaires », alerte Marion Goilav.

Les consommateurs ont un rôle majeur à jouer 

Si le gouvernement doit prendre des mesures pour préserver le marché local, les consommateurs sont aussi appelés à s’engager dans cette démarche. 

« Ils sont de plus en plus conscients des enjeux éthiques et environnementaux », dit-elle. Mais, « tant que les prix des produits importés resteront aussi bas, le Made in France aura du mal à s’imposer massivement. »

Un public qui a toutefois besoin d’être informé et sensibilisé afin de faire les meilleurs choix dans un marché où l’offre est très variée. 

« En 2020, seulement 9% des femmes étaient équipées de culottes menstruelles. Le marché était alors en pleine évolution. Cinq ans plus tard, il s’agit désormais d'un marché mature. L’utilisation des culottes menstruelles concerne désormais près de 75% des femmes », indique Marion Goilav.

Certifiée Origine France Garantie, Elia Lingerie propose des culottes menstruelles bio, écoresponsables et de confection française qui allient technologie et santé. En 2024, Rouge Gorge Lingerie a acquis 51% du capital de l’entreprise et l'accompagne dans son développement. Elia Lingerie ambitionne aujourd’hui de diversifier son activité, avec notamment le lancement d’une plateforme dédiée à la santé. 

Made In France