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Fusion, dettes et tensions internes — quand l’ambition se heurte à la réalité d’un refinancement d’urgence de 600 millions

By Diane Vanderschelden

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Saks Fifth Avenue Beverly Hills Facade Credits: Peter Christiansen Valli for Saks Fifth Avenue

En concluant en urgence un accord de refinancement de 600 millions de dollars avec une majorité de ses créanciers obligataires, Saks Global tente de préserver sa solvabilité à l’approche d’un quatrième trimestre stratégique. Le conglomérat du luxe, né de la fusion de Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus, Bergdorf Goodman et Saks Off 5th en décembre 2024, traverse une phase critique marquée par une dette élevée, des tensions persistantes sur la trésorerie et une pression croissante sur son modèle opérationnel.

Selon des informations rapportées par Bloomberg, l’accord officialisé le 30 juin repose sur un montage financier articulé en deux volets. D'une part, une ligne de crédit de type First In Last Out (FILO) d’un montant de 400 millions de dollars, dont 300 millions immédiatement débloqués, complétée par 100 millions conditionnés à un échange obligataire. À cela s’ajoute un financement supplémentaire de 200 millions, accessible sous certaines conditions. Cette nouvelle structure remplace un précédent accord de 350 millions de dollars, négocié plus tôt en juin avec SLR Credit Solutions, illustrant la volatilité des discussions financières en coulisses et l'absence de consensus sur une structure de capital durable.

Un montage complexe, reflet d’une confiance limitée

Si ce refinancement constitue une avancée tactique, il met également en lumière la fragilité persistante de Saks Global. La confiance des prêteurs demeure limitée, les conditions d’octroi particulièrement resserrées, et la hiérarchie des créanciers — notamment en cas de défaut — pourrait devenir un levier stratégique dans les négociations futures. L’absence de détails publics sur les conditions précises des obligations échangées, les taux effectifs, ou les niveaux de subordination entretient une incertitude structurelle quant à la capacité du groupe à respecter ses engagements à moyen terme.

Un redressement à marche forcée

Sur le plan industriel, Saks Global poursuit la mise en œuvre d’un plan de transformation visant à dégager 600 millions de dollars de synergies sur cinq ans. D’après les éléments communiqués aux analystes début juin, 285 millions de synergies “run-rate” auraient d’ores et déjà été réalisées, un niveau supérieur aux projections initiales. Ces gains proviennent principalement de la mutualisation des équipes, de la centralisation des fonctions support, ainsi que de plusieurs réorganisations internes, notamment au sein des directions merchandising et exploitation magasin.

En parallèle, le groupe a supprimé près de 550 postes en 2025, soit environ 3 % de ses effectifs. Toutefois, ces mesures restent marginales face à un déséquilibre plus profond. L’intégration rapide de plusieurs enseignes emblématiques, aux cultures et aux systèmes d'information disparates, alourdit durablement les coûts fixes et complexifie la standardisation des process.

Les Liens distendus avec les fournisseurs

La situation financière de Saks se reflète également dans sa relation avec ses fournisseurs. Pour répondre à l’accumulation des factures impayées, la direction a annoncé un étalement des règlements sur douze mois, à compter de juillet. Ce mécanisme exceptionnel, s’il permet de soulager la trésorerie à court terme, pourrait entamer la confiance des marques partenaires et perturber la fluidité logistique en amont d’une période commerciale décisive.

Éviter le Chapter 11

Le montage signé fin juin permet certes à Saks Global de financer ses achats de stocks pour les fêtes de fin d’année, période déterminante dans l’univers du retail haut de gamme. Il permet également d’éviter, pour l’heure, une mise sous protection du Chapitre 11 — une procédure prévue par le droit américain des faillites permettant à une entreprise insolvable de se réorganiser sous la supervision d’un tribunal, tout en poursuivant temporairement son activité. Mais cet équilibre demeure précaire. Le compromis conclu avec les créanciers implique un échange d’obligations contre des titres de rang subordonné — à taux inchangé —, exposant davantage les prêteurs en cas d’insolvabilité. En échange, ces nouvelles obligations intègrent des clauses restrictives renforcées, encadrant notamment la création de filiales endettées et les futures restructurations internes.

Le rôle clé de Hudson’s Bay Company

Ce refinancement soulève aussi la question du rôle que jouera Hudson’s Bay Company (HBC), maison mère du groupe. Le conglomérat canadien est-il en mesure — et surtout disposé — à recapitaliser sa filiale ? Peut-il céder des actifs rapidement, notamment immobiliers, afin de renforcer la solidité financière de Saks Global ? Ces arbitrages s’annoncent déterminants à mesure que les échéances de remboursement se rapprochent.

Une position concurrentielle de plus en plus exposée

Au-delà des enjeux financiers immédiats, la stratégie commerciale de Saks Global reste sous pression dans un paysage du luxe en pleine recomposition. Les grands magasins traditionnels doivent désormais composer avec des clients plus volatils, une dépendance coûteuse au trafic physique, et la concurrence croissante d’acteurs digitaux plus agiles, tels que Farfetch ou Mytheresa. Dans ce contexte, des enseignes historiques comme Nordstrom apparaissent mieux positionnées pour capter la demande.

Une échéance différée, mais non effacée

En définitive, le refinancement de 600 millions de dollars offre à Saks Global un sursis, non une solution structurelle. Il permet au groupe de gagner un peu de temps pour redresser ses indicateurs, mais ne résout ni la fragilité de son modèle économique, ni les incertitudes autour de sa gouvernance financière. La saison des fêtes pourrait faire office d’épreuve décisive : elle devra soit enclencher une reprise commerciale tangible, soit précipiter une nouvelle séquence de restructuration — potentiellement judiciaire — dès 2026.

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