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L’Europe, géant textile aux pieds d’argile : l’appel à l’action de Colin Browne (Cascale)

By Diane Vanderschelden

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Cascale CEO Colin Browne beim Cascale Annual Meeting in München 2024. Credits: Cascale

L’Europe peut-elle vraiment montrer l’exemple en matière de durabilité ? Dans un entretien pour « The Big Question » de l’Observatoire de l’Europe, Colin Browne, PDG de Cascale, exhorte l’industrie textile à repenser collectivement son modèle. En cause, l’urgence climatique, l’explosion de la fast fashion, et l’inertie persistante des chaînes d’approvisionnement. Une transition est possible, selon lui, sans sacrifier la rentabilité.

L’Union européenne, premier importateur mondial de textile

En 2023, l’Union européenne s’est imposée comme le plus grand importateur mondial de textiles et de vêtements, selon l’Organisation mondiale du commerce. Elle a importé pour 176,9 milliards d’euros de produits, un chiffre qui témoigne de la dépendance croissante du continent à la fabrication délocalisée, notamment en Asie. La France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne figurent parmi les principaux moteurs de cette dynamique.

Cette domination sur le plan commercial est également alimentée par la croissance effrénée de la fast fashion, incarnée par des plateformes comme Temu ou Shein. Ces plateformes numériques proposent des collections à prix cassés et en volumes massifs, exacerbant les impacts sociaux et environnementaux de l’industrie.

Une industrie responsable de 6 à 8 % des émissions mondiales

Selon Cascale, l’industrie textile mondiale est responsable de 6 à 8 % des émissions de gaz à effet de serre, soit environ un gigatonne de CO₂ par an. Une large majorité (70 %) de ces émissions provient de la fabrication des produits. Pour Colin Browne, l’enjeu est clair : « il y a une opportunité de réduire les gaz à effet de serre dans notre industrie de 45% d’ici 2030 », a-t-il affirmé, à condition de créer un effort conjoint à l’échelle sectorielle. « Faire travailler l’industrie ensemble pour lutter contre le changement climatique est une énorme opportunité », ajoute-t-il.

Embrasser la circularité : la nouvelle feuille de route

Le modèle proposé par Cascale repose sur la circularité. Il s’agit de bâtir une chaîne d’approvisionnement qui intègre toutes les étapes du cycle de vie du vêtement : planification, production, distribution, retour, et surtout réintégration des produits en fin de vie. « Il va falloir planifier, sourcer, fabriquer, expédier, vendre, retourner, et ramener les produits dans la chaîne d’approvisionnement. Ce dernier maillon, nous ne l’avons pas encore bien soutenu », déplore Browne. Aujourd’hui, un consommateur européen achète en moyenne 42 vêtements par an et envoie environ 12 kg de textiles à la décharge. Ces chiffres illustrent l’urgence de créer un modèle économique plus sobre et résilient.

En France, un ralentissement mais une dépendance forte

En 2024, la France a importé 7,3 milliards d’euros de textiles (en baisse de 4 % par rapport à 2023), et 23,4 milliards d’euros d’habillement (–1 %), selon Fashion Network. Les principaux pays fournisseurs restent la Chine, le Bangladesh, l’Italie et la Turquie. Malgré une certaine contraction, liée à la conjoncture économique et à une attention croissante aux enjeux écologiques, la dépendance structurelle demeure.

L’Europe reste cependant un leader en matière de réglementation environnementale. Ses directives sur la transparence des chaînes d’approvisionnement et la responsabilité des entreprises sont citées comme des exemples à suivre. « Ce serait une énorme erreur d’édulcorer ces réglementations », avertit Browne. « L’Europe a une vraie opportunité de diriger. »

L’équation durabilité/rentabilité est solvable

Contrairement aux idées reçues, Colin Browne estime qu’être plus durable ne doit pas nécessairement coûter plus cher. Il appelle les marques à revoir leur manière de concevoir les produits, en choisissant des matériaux responsables dès la phase de design, tout en gardant en tête les impératifs économiques. « Si les gens peuvent en faire de l’argent, cela se fera beaucoup plus rapidement », affirme-t-il. « Il s’agit de réfléchir à la façon dont vous construisez les produits. »

Un engagement encore flou sur le plan social

Cascale affiche une ambition forte sur le plan environnemental, avec une feuille de route axée sur la décarbonation et le partage d’expertise entre acteurs de l’industrie. Mais des zones d’ombre subsistent. L’alliance ne communique pas la liste complète de ses membres, ni les entreprises qui ouvrent la voie ou celles les plus responsables de perpétuer la fast fashion. Aucun syndicat ne figure non plus parmi ses partenaires, ce qui questionne son engagement réel en matière de justice sociale.

Une Europe à la croisée des chemins

L’industrie textile européenne — leader mondial des importations — est aussi l’une des mieux placées pour impulser une révolution durable du secteur. L’appel lancé par Colin Browne souligne l’urgence d’une approche collective, circulaire et ambitieuse. Reste à voir si les marques, les consommateurs et les régulateurs sauront s’en saisir à temps.

En résumé
  • L'Union européenne est le premier importateur mondial de textiles, avec une dépendance croissante à la fabrication délocalisée et une forte influence de la fast fashion.
  • L'industrie textile est responsable d'une part significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre, nécessitant une transition vers un modèle circulaire intégrant toutes les étapes du cycle de vie du vêtement.
  • Colin Browne, PDG de Cascale, souligne que la durabilité et la rentabilité peuvent être conciliées en repensant la conception des produits et en adoptant des matériaux responsables, tout en appelant à une action collective et à une réglementation environnementale forte en Europe.
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