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L’UE simplifie-t-elle ou affaiblit-elle les normes de durabilité des entreprises ?

By Diane Vanderschelden

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Credits: Frankfurt Fashion Week / German Fashion Council

L'Union européenne a introduit une série de réglementations en matière de durabilité pour s'assurer que les entreprises respectent certaines normes de diligence raisonnable et de reporting. Mais des mouvements politiques récents ont suscité des inquiétudes quant au fait que ces lois, encore à leurs balbutiements, pourraient être affaiblies avant même qu'elles n'aient été correctement mises en œuvre. Cela soulève une question importante : l'UE pourrait-elle diluer davantage ses lois sur la durabilité des entreprises ?

Cette question a émergé plus tôt ce mois-ci lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé son intention de « simplifier » les réglementations en matière de durabilité dans le cadre d’un paquet omnibus qui sera publié en février. Si l'objectif est de réduire les exigences de reporting redondantes et d'alléger la charge réglementaire pesant sur les entreprises, souligne Sourcing Journal, les critiques craignent que cela ne vienne annuler les progrès réalisés pour établir la directive européenne sur la diligence raisonnable des entreprises (CSDDD).

La CSDDD, avec la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et la taxonomie européenne des activités économiques durables, constitue une avancée significative pour rendre les entreprises plus responsables de leurs impacts sociaux et environnementaux. Cependant, la proposition actuelle de la Commission européenne a suscité des inquiétudes, plusieurs membres du Parlement européen de gauche craignant que toute simplification de ces réglementations puisse revenir sur des politiques durcies.

Dans une lettre adressée à la Commission, des eurodéputés des partis socialistes et écologistes ont exhorté Ursula von der Leyen à exclure la CSDDD de ce processus de simplification, exprimant des préoccupations que la « simplification » puisse conduire à une « dérégulation ». Ils soutiennent que les éléments essentiels de la législation européenne sur le reporting ne devraient en aucun cas être modifiés, en particulier parce qu'elle traite de questions liées aux droits humains et à l'environnement.

La Clean Clothes Campaign, une organisation représentant des syndicats et des ONG dans l'industrie du vêtement, a fait écho à ces préoccupations. Le groupe a exprimé sa grande inquiétude quant à la simplification des règles, qui pourrait, selon lui, revenir sur les lois de durabilité pionnières de l'UE. Il a souligné un rapport du économiste italien Mario Draghi, cité par von der Leyen pour justifier les simplifications proposées. Le rapport, qui se concentre sur la compétitivité affaiblie de l'Europe, ne mentionne que brièvement les régulations de durabilité, mais les remarques de von der Leyen semblent accorder une priorité excessive à l'analyse économique de Draghi, plutôt qu'aux protections sociales et environnementales.

Selon Sourcing Journal, la Clean Clothes Campaign soutient que simplifier les règles pour des raisons d'efficacité ne peut être un objectif en soi. Au contraire, l'accent doit rester sur l'objectif de parvenir à une « économie juste, équitable et durable », en particulier pour des secteurs comme la fabrication de vêtements, où les droits des travailleurs sont souvent menacés. Le groupe affirme qu'un retrait de ces régulations pourrait compromettre l’avenir des droits des travailleurs dans l'UE et entraver la réalisation du Green Deal de l'UE.

Par ailleurs, Alexander Kohnstamm, directeur exécutif de la Fair Wear Foundation, a souligné que revenir sur les régulations déjà établies serait une « mauvaise idée », indique Yahoo Finance. Selon lui, les entreprises ont besoin de clarté, et les changements réglementaires proposés risquent de semer la confusion. Plutôt que de réorganiser le paysage réglementaire, il plaide pour des lignes directrices sectorielles plus claires, permettant aux entreprises, syndicats et sociétés civiles de travailler ensemble pour rendre la diligence raisonnable en matière de droits humains plus efficace.

Le recul contre des règles plus strictes

Cette question s'inscrit dans une tendance plus large au sein de l'UE. Avec les élections européennes ayant entraîné un changement politique à droite, une opposition croissante contre ce que les intérêts des entreprises considèrent comme des règles trop contraignantes a émergé. Certains États membres de l'UE, comme l'Allemagne, ont mené des efforts pour retarder ou réduire les objectifs ambitieux en matière de climat et de durabilité. Ce tournant politique s'est particulièrement manifesté dans le cadre des normes de reporting sur la durabilité des entreprises de l'UE, qui entreront en vigueur en 2025 pour les 27 États membres.

En Allemagne, plusieurs ministères ont proposé des modifications du cadre de reporting sur la durabilité des entreprises, arguant que les régulations sont trop complexes et lourdes pour les entreprises, analyse Susanna Arus, EU Public Affairs Manager chez Frank Bold. Ces propositions ont toutefois été critiquées pour saper la transparence et la responsabilité que la CSRD cherche à instaurer au sein des entreprises européennes.

Des pays comme le Danemark, la Suède et l'Espagne ont déjà élargi la législation précédente pour inclure davantage d’entreprises dans les exigences de reporting sur la durabilité, et ils avertissent que de telles propositions venant d'Allemagne pourraient créer une incertitude juridique et saper les efforts pour soutenir les entreprises dans leur transition vers des pratiques durables. La CSRD est perçue comme un outil clé pour garantir des conditions de concurrence équitables, en favorisant la transparence et en luttant contre le greenwashing.

Une menace pour les objectifs de durabilité à long terme

La poussée pour affaiblir les lois sur la durabilité n'est pas seulement un débat politique — c’est un enjeu économique aux conséquences potentiellement vastes. La CSRD et les régulations qui y sont associées visent à répondre à des défaillances du marché en créant un ensemble cohérent de normes de reporting que les entreprises peuvent utiliser pour évaluer et atténuer leurs impacts environnementaux et sociaux. Ces régulations jouent également un rôle décisif en guidant les investissements durables et en veillant à ce que le capital soit dirigé vers des activités qui soutiennent les objectifs à long terme de l'UE en matière d'environnement et de société.

Si ces régulations sont affaiblies ou diluées, cela pourrait nuire aux efforts de l'UE pour lutter contre le changement climatique, protéger les droits humains et favoriser une économie juste et durable. De plus, de tels changements pourraient envoyer un mauvais message aux entreprises, en leur suggérant que la conformité aux normes de durabilité est optionnelle ou secondaire par rapport aux préoccupations à court terme liées aux profits.

La Clean Clothes Campaign, dans sa déclaration, a souligné qu'il s'agit d'un moment déterminant pour l'UE. Simplifier les régulations pour des raisons d'efficacité ne devrait pas compromettre les objectifs fondamentaux du Green Deal de l'UE. Pour que l'UE reste un leader mondial dans la lutte pour un avenir juste et durable, elle doit veiller à ne pas perdre de vue ses objectifs à long terme.

L'éternel défi de l'UE : trouver l'équilibre entre régulation et innovation

Alors que l'UE fait face aux pressions politiques et économiques visant à simplifier son cadre réglementaire, le défi sera de trouver un équilibre entre la réduction des charges administratives et la préservation des objectifs de durabilité. Il est indéniable que les entreprises ont besoin de clarté, mais cette clarté ne doit pas se faire au détriment de la responsabilité.

La clé pour atteindre un avenir durable réside dans une approche collaborative impliquant les gouvernements, les entreprises, les syndicats et la société civile. Plutôt que d'affaiblir les régulations, les décideurs devraient se concentrer sur l'élaboration de règles pratiques et efficaces, capables de produire des améliorations concrètes dans les pratiques durables des industries.

Dans les mois à venir, l'UE devra examiner attentivement les implications à long terme de ses décisions réglementaires. En mettant l'accent sur la durabilité et les droits humains plutôt que sur les pressions politiques à court terme, l'UE pourra s'assurer qu'elle reste un leader mondial dans la lutte pour un avenir juste et durable.

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