Le premier GIEC de la mode : Paris Good Fashion trace les trajectoires de décarbonation possibles
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Le 20 juin 2025, l’association Paris Good Fashion a réuni l’écosystème de la mode au Domaine de Chaalis, dans l’Oise, pour parler de mode durable, inaugurant ainsi le premier GIEC de la mode. L’association, via sa cofondatrice et directrice exécutive Isabelle Lefort, y a présenté les résultats des travaux menés pour établir une trajectoire de décarbonation des secteurs Luxe, Mass Market et Premium à l’horizon 2030.
Vingt-cinq contributeurs directs (marques et fédérations), dix experts, cinq mois de travaux et un financement assuré à 100 % par le Défi de la Mode, ont permis à Paris Good Fashion et à sa centaine d’adhérents de dresser un constat sectoriel des activités liées à la production de vêtements.
Luxe, Mass Market et Premium : une forte disparité tant en chiffre d’affaires qu’en volume de matières utilisées
Le segment Luxe génère la part la plus importante du chiffre d’affaires des entreprises auditées, soit 74 % des 86 milliards d’euros analysés, mais n’utilise que 6 % des 250 000 tonnes de matières. Cet écart s’explique par une forte concentration sur le cuir, secteur à forte valeur ajoutée, mais peu intensif en matière.
À l’inverse, le segment Mass Market français représente 84 % des volumes de matières consommées, majoritairement synthétiques, pour seulement 21 % du chiffre d’affaires.
Le segment Premium, principalement constitué de PME et ETI actives dans le prêt-à-porter, se situe entre les deux extrêmes. Il représente 5 % du chiffre d’affaires et 9 % des matières, avec une forte prédilection pour le coton.
L’approvisionnement en matières, respectivement cuir, synthétique et coton, représente la majorité des émissions
La répartition sectorielle des émissions de gaz à effet de serre se présente ainsi : luxe 56 %, Mass Market 75 % et Premium 63 %.
La production des acteurs du luxe représente 75 % de leurs émissions totales. Cela traduit une très forte dépendance aux chaînes d’approvisionnement, et notamment au cuir et aux traitements spécifiques, à forte intensité.
Outre l’amont, les segments Mass et Premium ont des marges de manœuvre sur des postes secondaires : les investissements CAPEX (la rénovation de magasins ou le renouvellement de machines, par exemple), le transport des produits, les déplacements professionnels ou les émissions directes.
Luxe, Mass Market : quelles trajectoires suivre pour décarboner ?
Suite à cet état des lieux, Paris Good Fashion a réalisé une analyse structurée et comparative des trajectoires de décarbonation possibles pour chacun des trois segments à horizon 2030, en réponse à l’ambition européenne de -42 % en intensité (quantité totale de gaz à effet de serre émise, sans tenir compte du volume de production), alignée avec les -55 % en absolu du Green Deal.
Le segment Luxe vise une réduction de - 41 % des émissions de gaz à effet de serre par produit d'ici à 2030, par rapport à 2022. Les principaux leviers d'action identifiés sont :
- Communication et marketing : - 5 %, via des formats plus sobres et responsables
- Magasins : - 8 à -10 %, par l’amélioration de l’efficacité énergétique
- Transport : - 5 à - 9 %, grâce à la logistique bas-carbone
- Production et achats : - 5 %, via l’optimisation des procédés et du mix énergétique
- Optimisation matière : - 1 %, par la réduction des pertes et de la consommation
À ces leviers s’ajoute un enjeu clé : la transformation du mix matière, avec le soutien au développement de filières locales à faible impact.
Le segment Mass Market s’engage collectivement à réduire de - 34 % ses émissions de gaz à effet de serre par produit d’ici 2030, par rapport à 2022. La trajectoire repose sur plusieurs leviers clés :
- Le transport des marchandises est le principal axe de réduction avec -14 %, grâce à l’optimisation logistique et à des alternatives bas-carbone.
- Le mix matière : - 8 %, via l’introduction progressive de matériaux à plus faible impact.
- La réduction des invendus : - 2 %, en lien avec les enjeux de circularité
- La production et les achats : - 1 %, ce qui révèle une difficulté à transformer rapidement des chaînes d’approvisionnement externalisées.
Les leviers à mettre en place reposent sur l’alignement des fournisseurs, l’amélioration de la mesure des impacts circulaires et la conscientisation des consommateurs pour faire émerger de nouveaux modèles (seconde main, location, réparation).
Le segment Premium vise une réduction ambitieuse de - 45 % des émissions de gaz à effet de serre par produit par rapport à 2022. Cet objectif ambitieux, proche de l’ambition européenne (- 42 %), reflète des marges de manœuvre plus importantes et une capacité d’investissement. Les principaux leviers d’action sont :
- La décarbonation de la production et des achats : -15 %
- Un mix matières à faible impact : -14 %
- La réduction des invendus : -6 %
- Le transport : -5 %
- Les magasins : -3 %.
La stratégie repose sur une meilleure planification pour limiter les invendus, la coopération entre fournisseurs pour accélérer la décarbonation et le soutien au développement de matières durables et locales.
Les principaux leviers d’action sont la rationalisation de l’offre et une meilleure planification industrielle pour réduire les invendus, un effet de volume auprès de fournisseurs communs et un soutien au développement et à la relocalisation de matières premières à faible impact environnemental.
De l’importance de mobiliser l’ensemble des acteurs pour actionner des leviers collectifs
Les stratégies envisagées s’appuient sur le partage de bonnes pratiques, la mutualisation des efforts et la création de référentiels communs.
Selon Paris Good Fashion, la priorité est de réduire l’empreinte carbone liée à la production et à la chaîne d’approvisionnement et d’optimiser l’utilisation de la matière (gestion des déchets, production à la demande).
Il s'agit avant tout de décarboner l’offre en valorisant les matières de qualité (y compris le polyester recyclé), de soutenir les filières à faible impact, de trouver le bon équilibre entre permanent et saisonnier et de passer d’une offre de volume à une offre de valeur. Mais aussi de miser sur la circularité et la durabilité extrinsèque (tout ce qui influence sa longévité en dehors de sa qualité physique ou technique propre).
Et enfin, il faut également décarboner l’entreprise en transverse en impliquant tous les départements et toutes les étapes de la chaîne de valeur, dans une dimension collective.