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Opportunité historique en Europe : l'appel du Gouverneur de la Banque de France

By Diane Vanderschelden

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European Union flag Credits: Pexels

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a exprimé ce lundi 29 avril sur RTL une conviction forte : l’Europe est aujourd’hui attendue comme un pôle d’équilibre par une partie croissante du monde, en quête d’alternatives aux tensions géopolitiques dominées par les États-Unis.

De retour de Washington, où il a participé aux réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, le gouverneur a rapporté avoir « senti pour la première fois une forte attente d’Europe de la part des partenaires internationaux hors États-Unis ». Selon lui, l’Europe est perçue comme « une puissance d’équilibre dans ce monde instable, un modèle attractif sur le plan social et environnemental ».

Une conjoncture propice à l’affirmation européenne

Dans ce contexte, François Villeroy de Galhau insiste sur l’absence de signaux d’inflation supplémentaire en zone euro pour 2024 et 2025, et écarte les craintes de récession. Il contraste cette stabilité avec une conjoncture américaine plus incertaine : « les politiques de Donald Trump ne marchent pas et l’économie américaine est malheureusement en voie de retournement négatif », évoquant même une possible récession aux États-Unis selon certains analystes.

Face à cette situation, il appelle à une mobilisation économique et politique de l’Europe, qu’il qualifie de « moment historique », rapporte l'AFP, à l’instar de celui du marché unique initié par Jacques Delors en 1993. Pour concrétiser cette ambition, Villeroy propose de fixer une échéance pour atteindre une souveraineté économique et financière européenne : 2027-2028.

La souveraineté européenne, un projet aux fondations ambitieuses

Pour donner corps à cette souveraineté économique et financière, François Villeroy de Galhau s’appuie sur un triptyque stratégique aujourd’hui en cours de déploiement à l’échelle communautaire. Il s’agit, d’une part, du rapport Draghi sur la compétitivité européenne, analysé plus loin dans cet article ; d’autre part, de la Boussole de la compétitivité, présentée en janvier 2025 par la Commission européenne à la demande des chefs d’État ; et enfin, de la relance de l’Union de l’épargne et de l’investissement — anciennement Union des marchés de capitaux —, qui vise à mieux canaliser l’épargne des ménages vers les besoins de financement de long terme, dans les secteurs jugés stratégiques pour l’avenir de l’Europe.

Une boussole stratégique pour guider la compétitivité européenne

Dévoilée par la Commission européenne début 2025, la « boussole de la compétitivité » trace la feuille de route économique de l’Union pour les années à venir. Inspirée des recommandations du rapport Draghi, elle repose sur trois priorités : rattraper le retard technologique de l’Europe face aux États-Unis et à la Chine, conjuguer décarbonation et compétitivité, et réduire les dépendances stratégiques, notamment dans les domaines de l’énergie, des matières premières critiques ou encore de l’intelligence artificielle. Ce cadrage concerne aussi des secteurs clefs comme la mode et l’habillement, fortement exposés à la concurrence internationale.

Alors que la filière textile cherche à relocaliser une partie de sa production, améliorer sa traçabilité et investir dans des matériaux durables, la boussole pourrait servir de moteur de convergence entre souveraineté industrielle et transition écologique. Elle marque une tentative de rééquilibrage du projet européen, en plaçant la résilience productive au cœur des priorités de la prochaine mandature.

L’Union de l’épargne et de l’investissement, levier d’autonomie financière

En parallèle, la Commission a lancé une stratégie ambitieuse pour relancer l’Union de l’épargne et de l’investissement (UEI), qui vise à mieux canaliser l’épargne des ménages européens vers les besoins de financement de l’économie réelle. Avec plus de 10 000 milliards d’euros en dépôts bancaires peu rémunérateurs, l’UE dispose d’un réservoir considérable pour soutenir l’innovation, la transition écologique et les PME — y compris celles du secteur textile, souvent innovantes mais structurellement sous-financées.

L’UEI entend lever les barrières réglementaires à l’intégration des marchés de capitaux, harmoniser la supervision financière, et offrir aux citoyens de meilleures options pour investir à long terme, notamment en vue de leur retraite. Au-delà des flux financiers, cette initiative cherche à renforcer l’autonomie de l’Europe, en dotant le continent d’un véritable écosystème d’investissement à l’échelle du marché unique.

Analyse critique du rapport Draghi : ambition ou fragilité ?

Le rapport Draghi, commandé par la Commission européenne, préconise un investissement additionnel annuel de 800 milliards d’euros, soit environ 5 % du PIB européen, pour relever les défis technologiques, industriels et écologiques. Il appelle également à une simplification des régulations bancaires comme Bâle III et Solvabilité II, afin de libérer du capital pour ces investissements.

Mais cette orientation fait débat. Certains économistes, comme ceux de l’Institut Rousseau ou du média La Grande Conversation, soulignent que ce choix pourrait fragiliser le secteur bancaire. En effet, relâcher les contraintes prudentielles dans un environnement de transition écologique expose les banques à des actifs à risque — notamment liés aux énergies fossiles — sans renforcer pour autant la stabilité du système.

Par ailleurs, une part importante du plan Draghi repose sur la mobilisation des marchés financiers, sans remise en cause claire des règles budgétaires européennes, ce qui pourrait limiter l’implication directe des États et renforcer la dépendance à des logiques de rentabilité, au détriment d’investissements sociaux durables.

Enfin, certains observateurs, comme Thomas Piketty, notent une absence d’ambition sur le plan redistributif : le rapport met l’accent sur la compétitivité du capital mais reste discret sur les inégalités, l’emploi ou les services publics.

Une feuille de route pour la France

Côté hexagonal, Villeroy de Galhau appelle à « tenir les dépenses comme elles ont été votées ». Il salue les efforts de l’État tout en appelant à la stabilisation des dépenses sociales et locales : « il faut un effort de tous, juste et partagé ». Une discipline budgétaire rigoureuse permettrait, selon lui, d’éviter une hausse des impôts.

La Banque de France maintient sa prévision de croissance du PIB à 0,7 % pour 2025, tout en avertissant d’un possible ralentissement qui sera précisé lors de la révision de ses prévisions en juin. Le gouverneur reste toutefois optimiste, misant sur la reprise économique en Allemagne pour soutenir l’activité.

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