Soierie lyonnaise : que reste-t-il de l’héritage ?
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Depuis le 16ème siècle, la soie occupe une place importante dans l’histoire de Lyon. Aussi appelée « capitale de la soie », la renommée de la 3ème plus grande ville de France a longtemps dépassé les frontières nationales. Au fil des années, les tendances, les crises et les habitudes d’achats des consommateurs ont impacté cette industrie, qui est pourtant loin d’avoir disparu.
À Lyon, l’histoire de la soie commence « par un décret de François Iᵉʳ datant de 1536 qui conduit à l’implantation d’artisans tisseurs de fil de soie, d'or et d'argent », explique à FashionUnited, Virginie Varenne, cogérante de la Maison des Canuts. « Tout le quartier de la Croix-Rousse, à Lyon, a été construit pour les accueillir. Ces artisans étaient des précurseurs », ajoute-t-elle. Au fils des ans, la ville se voit attribuer le titre de « Capitale de la soie ». « Tout se développe assez rapidement. Vers 1860, il y a plus de 110 000 métiers à tisser à Lyon et dans les environs », précise la cogérante.
« Jusqu'aux années 80, toutes les pentes de la Croix-Rousse abritaient les meilleurs dessinateurs textile. »
Fabricants d’écharpes, de foulards et de tissus, Virginie et son mari, Philibert Varenne reprennent, en 2003, la Maison des Canuts. Ce lieu historique abritait autrefois le siège du Syndicat des Tisseurs et Similaires. Tout en maintenant son histoire, le couple en a fait une boutique-musée qui retrace « cinq siècles d’histoire de la soie lyonnaise », indique Virginie.
« Je suis très fier de Lyon, qui n'a pas disparu malgré la forte concurrence.»
Résister face à une concurrence venue d’ailleurs
Pour le couple de fabricants de tissus, si la demande et la production ont baissé au fil des années, les années 80-90 ont marqué un véritable tournant pour l’industrie. « Petit à petit, des marques comme Kiabi, Pimkie, La Redoute, qui fabriquaient en France ont commencé à acheter ailleurs. Il y a une phase intermédiaire en Europe centrale, puis elles sont allées se fournir en Asie, au début des années 2000, à la fin des quotas sur le textile », détaille Virginie.
« À cette époque, nous continuions à vendre nos tissus, mais il fallait les envoyer en Europe centrale, puis du jour au lendemain, ces entreprises ont décidé de tout produire en Asie pour réduire leurs coûts », ajoute Philibert.
Si ces changements ont fortement impacté les industries textiles partout en France, le couple Varenne estime que les professionnels basés à Lyon ont réussi à résister face à une concurrence importante : « Le mouvement était très violent, je suis très fier de Lyon, qui n'a pas disparu comme tous ces professionnels dans le nord de la France par exemple, où l'industrie textile était très importante », observe Philibert Varenne. Le gérant de la Maison des Canuts reconnaît toutefois que l’activité est moins importante aujourd’hui : « Cela n'a plus rien à voir avec l’époque. Près de 50% de la population de la ville travaillait pour l'industrie textile. Mais en même temps, il est difficile de comparer les besoins actuels à ceux des siècles précédents ».
Aujourd’hui, la région Auvergne-Rhône-Alpes compte 600 entreprises, créatrices de 17 000 emplois pour un chiffre d'affaires global de 4,3 milliards d’euros, selon le syndicat professionnel Unitex (Union des industries textiles). « C'est une belle victoire de voir que l’industrie crée autant d’emplois de nos jours. Je suis plutôt optimiste quant à son avenir car il y a une prise de conscience collective actuellement », estime le cogérant.
Une prise de conscience collective
Engagés dans l'éducation et la sensibilisation du public aux dangers de la fast fashion, depuis plus de 20 ans, le couple Varenne se réjouit de ce changement de tendance après plusieurs années de turbulence : « La prise de conscience est plus importante aujourd'hui que dans les années 90. Il y a un travail de lobbying qui a été fait et ces lois pour réguler le marché sont encourageantes. Il est possible de retracer la provenance des matières, etc. Les consommateurs ont les outils nécessaires pour être plus responsables », explique Philibert Varenne.
Un constat que partage Virginie qui se réjouit de l’engagement de la nouvelle génération : « Ils essayent de faire attention. Cela s’applique dans le textile, mais pas que. Les gens reviennent aux plaisirs simples : la couture, le tricot, la cuisine, etc.. c’est un tout », analyse-t-elle. Un changement que le couple observe également lors des visites à la Maison des Canuts : « Les visiteurs du musée expriment également un réel intérêt pour le savoir-faire local, que ce soit les élèves, les touristes ou les locaux ».