Ailleurs : la jeune génération s’inscrit dans une nouvelle approche de la Couture

La troisième édition du concept-store éphémère Ailleurs, qui s’est tenu pendant la FW Paris masculine, fin janvier 2025, signe l’émergence d’une nouvelle génération de designers et de clients Couture, au sens fabrication de pièces artisanales, quasi uniques, personnalisables, vendues en btoc. Le tout mâtiné de ce vent d’undergound qui fait bouger les lignes d’un système de la mode qui a vieilli.

La semaine de la Haute Couture parisienne, qui s’est terminée fin janvier 2025, a offert aux participants et aux internautes la vision féerique de tenues d’apparat faites pour les grands soirs d’une classe fortunée, les tapis rouges des célébrités ou les tenues de scènes d’artistes. Une parade très médiatisée qui pourrait laisser croire qu’elle représente la scène de la Couture. Il n’en est rien.

Aujourd’hui, une génération émergente (Alpha, Gen Z, Millennials) réinvente ce qu’était autrefois le métier de couturier(ière) de quartier. Seuls, chez eux ou dans des lieux de fortune (pour certains, dans leur cave), ils fabriquent une nouvelle mode, une nouvelle couture, avec les moyens du bord : un peu de métier et la liberté de laisser cours à leur imagination. Pour eux, pas question de rentrer dans l’écosystème traditionnel du btob puisque, précisément, ils ne font pas de prêt-à-porter.

C’est le cas des jeunes designers qui exposaient dans le concept store éphémère Ailleurs, qui se tient depuis trois saisons pendant la fashion week parisienne masculine et qui n’a pas désempli du 21 au 26 janvier 2025.

« Pour cette troisième édition, nous avons reçu les stylistes des rappeurs d’Asap Rocky, de Zola, diverses personnalités, des clients btoc, des acheteurs étrangers (Hong Kong, Tokyo, Los Angeles) venus faire leur sélection et des personnes à la recherche de collaborations avec des stylistes indépendants, explique Mathys, fondateur d’Ailleurs, à FashionUnited. Le jour de l’inauguration, nous avons reçu plus de 500 personnes et avons connu une fréquentation constante et exponentielle. »

Passionné de mode depuis dix ans, Mathys crée ses propres modèles, mais ne voulait pas les présenter à Besançon, sa ville d’origine. Orienté sur le marché masculin et mixte, qu’il maîtrise mieux, Mathys choisit la rue Notre-Dame de Nazareth, « rue située dans le quartier le plus fréquenté par les amateurs de mode, à la recherche des nouvelles tendances et des pièces uniques », pour implanter un concept store temporaire. Il y expose différents talents de designers indépendants, qui ont déjà un univers assez défini et sont, selon lui, le futur de la mode.

La Nouvelle Couture est l’expression mode d’une jeunesse qui cherche à exister sur un marché saturé

« Le futur de la mode, ce sont de vrais artisans passionnés par la mode, explique Mathys. Les marques de renommée possèdent de grosses équipes, mais, au final, les talents créatifs y représentent une petite part. Les créateurs présents à Ailleurs travaillent de chez eux, certains proposent des collections complètes, organisent des défilés, ont déjà une petite renommée dans le milieu underground. Ils influencent les plus grands. »

Niveau créativité, ils n’ont pas de barrière, pas de consignes de management – on ne les oriente pas sur ce qu’ils doivent faire pour plaire à leur audience vu qu’elle n’est pas encore développée. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent, des tee-shirts imprimés aux vêtements plus expérimentaux. « Le marché de la mode est saturé, nous sommes une des industries les plus polluantes au monde, ajoute Mathys. Se tourner vers des designers indépendants permet de s’offrir des pièces beaucoup plus accessibles que le luxe, car moins connues. Les jeunes stylistes ne se permettent pas de pratiquer des prix inaccessibles. »

Mathys orchestre sa sélection de talents, partage le loyer, soit 100 euros par jour (c'est-à-dire qu’il ne tire aucun profit de la location de l’espace, à l’inverse de tous les autres lieux commerciaux de la FW) et ne prend pas de pourcentage sur leurs ventes. Partie de 40 mètres carrés et quatre designers la première saison, la troisième édition a réuni 16 designers sur 130 mètres carrés (deux pas-de-porte).

S’il envisage d’ouvrir un plus grand espace pour la Fashion Week Hommes juin 2025, il souhaite également, d'ici à un an, être présent dans toutes les villes importantes de la mode (selon lui Tokyo, Copenhague, Londres, Berlin, Milan, Paris, etc.) Et, d'ici à trois ou quatre ans, ouvrir un concept store Ailleurs sur Paris sur un modèle similaire à celui de Dover Street Market, en mettant uniquement en avant de designers indépendants, qui travaillent en petite équipe. Ce, pour encourager les gens à consommer différemment. Pour ce faire, il est à la recherche de sponsors. Avis aux amateurs.