Mode engagée : à la FW Paris, Willy Chavarria transforme le tailoring en manifeste
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Fashion Week Paris juin 2025, le vêtement comme étendard. Entre coupes millimétrées et couleurs flamboyantes, Willy Chavarria, créateur latino-américain, donne à sa collection printemps-été 2026, nommée « Huron », une dimension sociétale.
Soit la mode dit quelque chose de notre société, soit elle se contente de faire de la mode. Willy Chavarria fait les deux. Il est l’américain, ou plutôt le latino-américain, que la fashion week Paris attendait pour montrer une alternative aux messages envoyés par la récente politique des États-Unis sur le plan sociétal.
Aussi, rien d’étonnant à ce qu’il soit nominé pour le grand prix des Andam Fashion Awards 2025, (résultat lundi 30 juin 2025 au soir) et qu’il soit le président du prochain Asvoff Fashion Festival, fondée par Diane Pernet, une Américaine installée en France.
Pour ouvrir son défilé printemps-été 2026, Willy Chavarria a fait rentrer 35 hommes portant des t-shirts blancs créés en partenariat avec l’American Civil Liberties Union (ACLU). Ce moment fait référence aux prisons salvadoriennes, où des personnes sont profilées et persécutées sans procédure légale.
L’ACLU est une organisation américaine qui agit principalement aux États-Unis, mais dans le contexte du défilé de Willy Chavarria, le lien est allusif. Les prisons au Salvador sont devenues un symbole mondial de politiques de sécurité ultra-répressives. Willy Chavarria crée un pont entre deux réalités : celle d’un pays d’origine de nombreux immigrés aux USA et celle des États-Unis, qui appliquent, avec leur nouveau président, une politique anti-immigration qui tourne au chaos, cf. les derniers affrontements à Los Angeles.
La collection printemps-été 2026 de Willy Chavarria se nomme Hurron, une ville californienne peuplée de travailleurs immigrés
Sa collection est donc un hommage à ses origines au cœur d’une communauté latino marquée par la pauvreté, la résilience, mais aussi la fierté identitaire et la joie de l’expression de soi.
Ainsi, les couleurs flamboyantes de son tailoring (rose bonbon, papaye, rouge piment bleu Bourdin – en référence au photographe précédemment connu en France pour ses campagnes pour le chausseur Charles Jourdan -, jaune, vert army, etc.) sont un langage de résistance, d’affirmation et de rejet du conformisme.
Dans une conjoncture où peu d'acteurs de la mode osent s’exprimer (et ça se comprend aux vues des enjeux économiques qui sont dans le « deal »), il offre une visibilité aux communautés latino-américaines, immigrées, lgbtbquia + et aux femmes de pouvoir indépendantes, incarnées par Rebeca Mendoza, artiste collaboratrice de Willy Chavarria à l’origine des tenues féminines.
Avec ses cuirs et tissus issus de tanneries et filatures italiennes, le créateur se positionne comme une marque de luxe, mais sa collaboration Adidas Originals x Willy Chavarria inaugure une nouvelle ère de vêtements en coton, façon uniforme, accompagnée d’une ligne de chaussures reliant la haute couture et la culture street mondiale. La mode vient de la rue, le luxe s’en inspire et se l’approprie. De ce point de vue, rien de neuf.
« Le luxe ne m'intéresse pas en tant que symbole de privilège, commente Willy Chavarria dans le communiqué. Je m'intéresse au luxe en tant que symbole d’expression de son propre caractère. Une coupe exquise et un savoir-faire artisanal pour s’élever, c'est cela le pouvoir. C'est cela la mode. »