Quand l'accord US–Afrique AGOA est sur le fil : quel futur pour le textile africain ?
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L’African Growth and Opportunity Act (AGOA) est un pilier des relations commerciales entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne depuis son adoption en 2000. Ce dispositif offre un accès préférentiel au marché américain pour près de 7 000 produits, dont les textiles et l’habillement, à condition que les pays bénéficiaires respectent des critères politiques et économiques stricts.
Pour de nombreux pays africains, l’AGOA a été synonyme de développement industriel, de création d’emplois et d’attraction d’investissements, rapporte Yahoo! Actualités.
Cependant, la décision politique prise à Washington fin septembre 2025 a ravivé l’incertitude : l’avenir du cadre préférentiel est désormais incertain, obligeant gouvernements, industriels et acheteurs à réévaluer leurs stratégies.
Pourquoi l’AGOA est-elle primordiale pour le textile africain ?
Le secteur textile et de l’habillement a été l’un des principaux bénéficiaires de l’AGOA. Des pays comme le Lesotho, Madagascar, l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Île Maurice ont vu leur industrie textile se développer grâce à cet accès privilégié au marché américain. Par exemple, en 2023, le Kenya a exporté pour 510 millions de dollars de produits sous AGOA, selon l'United State Trade Representative, tandis que Madagascar a exporté pour 339 millions de dollars. Ces exportations ont permis de créer des milliers d’emplois et de générer des devises nécessaires à l’équilibre des balances commerciales.
L’incertitude avant la reconduction de l’AGOA
À l’approche de l’échéance technique du 30 septembre 2025, plusieurs signaux ont émergé depuis Washington : réévaluation des priorités commerciales, volonté affichée d’une « approche ciblée » des relations économiques africaines, et examen des conditions d’éligibilité. Le débat a pris deux dimensions principales. D’une part, la volonté de certains décideurs américains de conditionner davantage l’accès préférentiel aux intérêts stratégiques et aux approvisionnements (notamment de minéraux critiques). D’autre part, la préoccupation des pays africains et des opérateurs privés, pour lesquels la fin de l’AGOA risquerait d’entraîner des droits de douane punitifs et une érosion rapide de la compétitivité sur le marché américain.
En réponse à ces préoccupations, la Maison-Blanche a indiqué son soutien à une extension d’un an de l’AGOA, informe Reuters, offrant ainsi une bouffée d’oxygène aux pays africains concernés. Cette extension, bien que bienvenue, ne résout pas les incertitudes à long terme et souligne la nécessité pour les pays africains de diversifier leurs partenariats commerciaux et de renforcer leur compétitivité.
Les impacts potentiels d’une fin ou d’une réduction de l’AGOA
Si l’AGOA venait à disparaître ou à être fortement réduit, les conséquences pour le secteur textile africain seraient significatives :
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Baisse de compétitivité : Les produits exportés sous AGOA bénéficient d’avantages tarifaires décisifs. La suppression de ces avantages augmenterait les coûts à l’export et rendrait certains produits non compétitifs face aux offres d’Asie ou d’Amérique latine.
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Chocs sur l’emploi : Des secteurs entiers, souvent localisés (par exemple, zones de confection au Lesotho ou à Madagascar), risquent de réduire la production et d’annoncer des suppressions d’emplois. Des estimations indiquent que des dizaines de milliers d’emplois pourraient être affectés dans certains pays.
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Réduction des devises : La perte de débouchés américains réduirait les entrées de devises, fragilisant la capacité des pays à financer importations et investissements.
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Fragilisation des chaînes de valeur : Les investisseurs étrangers pourraient relocaliser la production vers des pays offrant un meilleur accès ou des coûts plus bas, ce qui affaiblirait la base industrielle construite en 25 ans.
Comment les pays africains peuvent-ils s’adapter ?
Face à ces défis, plusieurs stratégies peuvent être envisagées :
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Renforcer la valeur ajoutée locale : Monter en gamme vers des textiles techniques, produits conformes aux exigences environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), et services associés (conception, finissage, certification).
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Accélérer l’intégration régionale : Tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pour créer d’autres débouchés régionaux et réduire la dépendance à un seul marché.
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Négocier des accords bilatéraux : Diversifier les accords commerciaux, et obtenir des parades ciblées (préférences sectorielles, accords de cumul de règles d’origine).
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Attirer le financement et moderniser : Investir dans l’efficacité énergétique, la robotisation ciblée, la formation et l’amélioration de la productivité pour compenser le choc tarifaire éventuel.
Une opportunité déguisée ?
La perspective d’une AGOA affaiblie ou non reconduite est un rude rappel de la dépendance aux décisions politiques étrangères. À court terme, des secteurs textiles et des emplois sont exposés ; à moyen terme, la contrainte peut être une incitation forte à la transformation industrielle et à la diversification des partenaires commerciaux. Pour les décideurs africains et les industriels du textile, l’urgence est double : négocier activement tout ajustement de l’accès américain et accélérer les transformations internes qui rendront les filières moins vulnérables aux aléas politiques internationaux.