Sandro X Louise Bourgeois aux Galeries Lafayette : quand l’art vient enrichir la proposition mode
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À l’occasion du pop-up Sandro aux Galeries Lafayette Paris Haussmann (jusqu’au 24 avril 2025), Isabelle Allouch, directrice générale de Sandro, marque phare du groupe SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot), explique les liens qui unissent la marque avec l’art, ici avec l’artiste Louise Bourgeois, et, par extension, viennent animer un processus commercial.
Quelle relation la marque Sandro entretient-elle avec l’art ?
L’art est l’un des territoires d’inspiration d’Évelyne Chetrite et de son fils Ilan Chetrite, respectivement directeurs artistiques des collections femmes et hommes. Ilan Chetrite est moteur pour nourrir le discours de Sandro avec l'art, l'architecture ou la sculpture. L'art a toujours été un fil conducteur dans leur processus créatif.
En 2021, nous avons collaboré avec l’artiste céramiste japonaise Yoko Nishikawa. Basée à Brooklyn, elle travaille le papier mâché avec lequel elle fait des mobiles très poétiques. Nous les avons utilisés pour la scénographie de nos vitrines. En 2022, nous avons également intégré dans nos boutiques, en France et à l'étranger, des œuvres de Stephen Ormandy, un sculpteur de totems en résine colorée, assez emblématiques de son expression artistique. Il y a deux ans, nous avons installé dans notre flagship des Champs-Élysées une œuvre d'art éphémère, une structure animée ainsi que des totems en bois de Dan John Anderson.
Pour la présentation de la collection printemps-été 2025, nous avons fait appel à l’artiste parisienne d'origine ukrainienne Olga Sabko, qui réalise des pièces en céramique, que nous avons présentées accompagnées d'un mobilier brutaliste qui venait de la Galerie Desprez Breheret. Enfin, nous avons présenté notre collection automne-hiver 2025/2026 au Musée Bourdelle.
En quoi cette collaboration entre Sandro et l’artiste Louise Bourgeois est-elle différente ?
Cette inspiration artistique prend une autre forme puisque nous avons repris l'œuvre de Louise Bourgeois sur une quinzaine de pièces, en voile de lin, popeline de coton et twill de soie. Cette collaboration est à l’instar de ce que nous avions fait, deux saisons de suite, avec Louis Barthélémy, un artiste français et vivant entre le Maroc, L’Égypte et la France, qui avait dessiné pour Sandro des scènes de la vie marocaine.
Quel est le lien entre tous ces artistes ?
Le lien, c'est le coup de foudre qu’Évelyne, Ilan ou des personnes clés de leur studio ont pour des œuvres. Chez Sandro, beaucoup de choses se font de façon intuitive, via une rencontre et une connexion créative. Pour Louise Bourgeois, une styliste senior a proposé l’idée à Évelyne qui a tout de suite accroché.
Louise Bourgeois, née au début du XIXe siècle, a fait des études de mathématiques et n'était pas du tout destinée à exercer dans le milieu artistique. Elle a commencé à sculpter parce qu'elle avait besoin d'exprimer quelque chose. C’était une personne torturée et elle s'est servie de l'art pour se libérer. C'était une forme de thérapie pour elle.
Elle est connue pour ses immenses araignées, mais elle a aussi fait un travail sur le textile autour des patchworks. Son œuvre textile nous a plu, notamment son travail sur les spirales que l’on trouvait intéressantes graphiquement.
Par ailleurs, Louise Bourgeois était franco-américaine, mais elle a beaucoup vécu à Nice. Or, Évelyne vient du Maroc. Cette connexion avec Nice, la mer, le soleil, le bleu a résonné dans son processus créatif.
Louise Bourgeois étant décédé, comment s’est passée l’acquisition des droits d’auteur ?
Notre directeur marketing, Augustin Letellier, a négocié les droits auprès de la Fondation Easton qui préserve les œuvres de Louise Bourgeois. Tous les croquis du studio leur ont été envoyés. Les gestionnaires étaient très exigeants, garants du respect de l’œuvre de l’artiste. Le montant des droits reste confidentiel.
À mon sens, les ayants droit ont été intéressés par notre proposition, car la marque Sandro, présente dans plus de cinquante pays - 750 enseignes dont 150 en France - bénéficie d’une résonance internationale, tout comme cet artiste qui est aussi bien exposée à New York, Paris ou Bilbao.
Pensez-vous qu’aujourd’hui les marques de mode ont besoin de créer des liens avec d’autres univers, comme ici l’art, pour susciter le désir ?
Les consommateurs, dont les jeunes générations, ont besoin de rêver. Ce monde est tellement dur qu'il faut trouver des espaces de respiration. C’est ce que nous faisons en proposant des vêtements dans l’air du temps, c’est notre savoir-faire, mais également en amenant quelque chose d'autre. Un territoire dans lequel notre clientèle va pouvoir découvrir un artiste, un endroit, un savoir-faire. En tant que marque de mode, il s’agit de s'exprimer et de défendre des valeurs, au-delà du seul produit. Ici, nous défendons la créativité.
Quid du pop-up installé aux Galeries Lafayette Paris Haussmann jusqu’au 24 avril 2025 ?
Nous bénéficions de onze vitrines et de deux pop-ups, un au rez-de-chaussée et un au troisième étage. C'est la première fois que les Galeries Lafayette signent un partenariat d'une telle ampleur avec une marque de notre positionnement.
Aujourd’hui, le commerce retail a besoin d'être de plus en plus attractif, de se renouveler, d'être expérientiel. Plutôt que d'avoir des mannequins basiques en vitrine, nous avons créé des installations artistiques animées, certaines composées de miroirs qui tournent et créent un effet kaléidoscopique, tout en reprenant des éléments de l'œuvre de Louise Bourgeois. C'est très poétique.
Ce concept sera également reproduit dans les grands magasins Bloomingdale's (New York), Réel (Shanghai), au Mexique, et à Dubaï.
Où la marque Sandro fabrique-t-elle ?
Un peu partout dans le monde. Nous n’avons pas d’usine en propre. Nous produisons une large gamme de produits, nous sommes en mouvement permanent pour nous caler avec les tendances. De fait, nous ne voulons pas investir dans un type de fabrication qui ne serait plus d’actualité la saison suivante. Nous travaillons avec un pool de fournisseurs, certains depuis plus de vingt ans, d'autres collaborations sont plus récentes et dépendent des savoir-faire.
Les grosses pièces tailoring sont fabriquées dans les pays de l'Est, notamment en Bulgarie. Les pièces en jean proviennent de Turquie. Les chaussures en cuir du Portugal. La broderie, d’Inde. Et pour la maille serrée, la Chine, qui est la seule à posséder le parc de machines à tricoter à même de répondre à nos critères de qualité et à notre volume d’affaires.
Chaque saison, nous faisons fabriquer 450 références féminines et 350 masculines. Notre siège social est basé à Paris, boulevard Haussmann, et compte 220 employés. Mais nous avons des filiales à New York, Sydney et Shanghai et travaillons avec un réseau de partenaires retail qui nous distribue là où nous ne sommes pas implantés en direct (Moyen-Orient, Corée du Sud, Turquie, etc.). Au total, dans le monde entier, nous employons 2500 personnes pour un chiffre d’affaires 2024 de six cents millions d'euros.
Comment expliquez-vous les performances de Sandro au sein du groupe SMCP ?
Nous avons la chance de travailler avec des directeurs artistiques et des studios qui ont un très grand talent et qui parviennent à capter l’air du temps tout en restant fidèles à l’ADN de la marque. Leur vision créative permet à Sandro de proposer des collections à la fois modernes, élégantes et cohérentes, qui séduisent une clientèle toujours plus exigeante. De plus, l’ensemble de nos équipes qu’elles soient au siège ou dans nos points de vente sont animées par une vraie passion pour la marque et en perpétuel questionnement pour continuer à faire rêver notre clientèle et comprendre ce que l’on peut faire de mieux. J’aime à penser que cette dynamique de remise en question constructive est l’une des clés du succès de Sandro.