Syre mise un milliard au Vietnam : comment le pays veut devenir la plaque tournante du textile circulaire
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Déjà troisième exportateur mondial d’habillement, le Vietnam pourrait désormais devenir un hub majeur de la circularité textile, porté par un afflux d’investissements et par sa place stratégique dans les chaînes de valeur « China + 2 ».
L’annonce du « giga projet » de la start-up suédoise Syre, soutenue par H&M Group et Vargas Holding, confirme cette ambition. L’entreprise prévoit d’y implanter d’ici 2027–2028 sa première usine de recyclage « gigascale », un investissement estimé à 1 milliard de dollars, annonce Vietnam +.
Une usine géante pour un basculement industriel
Le site, prévu dans la province de Bình Định, vise à traiter jusqu’à 250 000 tonnes de déchets textiles par an, principalement du polyester PET post-consommation. Syre ne parle pas d'une simple unité de transformation, mais d’un maillon clé dans une future chaîne d’approvisionnement circulaire mondiale. L’usine produira des matières recyclées de haute qualité capables de réintégrer la filature, le tissage ou la confection.
Le Premier ministre vietnamien Phạm Minh Chính a salué un projet « aligné avec les ambitions nationales d’économie verte », renforçant la position du pays dans la transition industrielle du textile.
Nike, H&M : des clients clés pour une montée en puissance
Syre a déjà sécurisé un contrat d’approvisionnement majeur : 600 millions de dollars sur sept ans avec H&M. La startup vient surtout de conclure un partenariat de taille avec Nike, qui utilisera le polyester recyclé produit au Vietnam.
« Ce partenariat est un signal fort : il marque le passage du concept à l’échelle commerciale », souligne Dennis Nobelius, CEO de Syre.
Ces alliances permettent à Syre de sécuriser des débouchés et, surtout, de prouver qu’un modèle circulaire industrialisé est désormais viable.
Vietnam, nouveau centre de gravité du « China + 2 »
L’implantation de Syre s’inscrit dans une dynamique mondiale majeure : le mouvement « China + 2 », qui pousse les marques à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement hors de Chine en ajoutant un second ou un troisième pôle stratégique.
Le Vietnam coche toutes les cases :
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Compétitivité et expertise industrielle
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Infrastructure logistique performante
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Stabilité politique
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Stratégie nationale pro-circulaire
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Attractivité pour les IDE textiles
Pour les marques, installer le recyclage dans le même pays que la production permet aussi de rapprocher l’approvisionnement durable de la fabrication — un atout décisif au moment où l’Europe impose des exigences d’écoconception et de traçabilité.
Un impact local majeur et un repositionnement industriel
Le projet devrait créer plusieurs centaines d’emplois qualifiés, tout en contribuant à la montée en gamme du secteur textile vietnamien. Le pays, historiquement centré sur la confection, ambitionne désormais d’intégrer des étapes à plus forte valeur ajoutée : innovation, chimie textile, matériaux circulaires.
Pour le gouvernement, c’est un levier double : accélérer la transition écologique d'une part, et s’ancrer comme pôle industriel incontournable en Asie d'autre part.
Les défis : matières, réglementation, énergie
Le projet reste toutefois confronté à plusieurs obstacles.
1. L’approvisionnement en déchets textiles
Syre estime que l’usine nécessitera 300 000 à 400 000 tonnes de textiles usagés par an — alors que les volumes domestiques exploitables seraient dix fois inférieurs. Cela implique de recourir à l’importation, un sujet encore flou dans le cadre réglementaire vietnamien.
2. Le cadre administratif
L’import de textiles usagés reste sensible en Asie du Sud-Est. Syre demande des clarifications afin de garantir des flux stables.
3. Le coût énergétique du recyclage chimique
Les procédés « textile-to-textile » nécessitent beaucoup d’énergie. Mais selon plusieurs études internationales, le polyester recyclé peut réduire les émissions de jusqu'à 85 % par rapport au polyester vierge.
Un signal pour toute l’industrie
Au-delà du Vietnam, le mouvement lancé par Syre constitue un signal majeur pour l’ensemble du secteur textile : la circularité entre dans une phase scalable, soutenue par les grandes marques et adossée à des investissements massifs.
L'usine de Bình Định pourrait devenir un hub mondial de la fibre circulaire, capable d’alimenter aussi bien les géants de la fast fashion que les marques premium.
Pour conclure
Le projet Syre est la démonstration qu’une nouvelle géographie du textile est en train de s’écrire. Un modèle où le recyclage ne se contente plus d’exister à petite échelle, mais devient un pilier industriel, connecté directement à la production.
Si les défis logistiques et réglementaires sont surmontés, le Vietnam pourrait s’imposer comme le centre névralgique du textile circulaire mondial — et un acteur clé de la redéfinition des chaînes de valeur mondiales.